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David Mourey

  • : Démocratie Economie et Société
  • : David MOUREY Professeur d'Economie Auteurs de nombreux ouvrages d'économie chez De Boeck Fondateur des « Rencontres économiques » depuis 2005.« Rencontres économiques lycéennes » et « Rencontres économiques citoyennes »à Pontault-Combault depuis 2005 ! Fondateur des« Rencontres économiques » à Paris depuis 2008 !
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Le Livre de la Semaine

 

 

Texte Libre

 

10 octobre 2008 5 10 /10 /octobre /2008 17:31

 

Dans un Chat accordé au Journal « Le Monde » le 6 octobre 2008 et dans une interview publiée dans le journal « Libération »  le 30 septembre 2008, Jean-Paul FITOUSSI, le Président de l'OFCE nous livre quelques éléments de réflexion sur la crise financière qui n'en finit pas de s'approfondir malgré les multiples interventions de la puissance publique à travers le monde.

L'OFCE est l'Observatoire français des conjonctures économiques.

  

Je souhaite dans ce court billet attirer l'attention sur quelques remarques faites par Jean-Paul FITOUSSI qui me semblent de bon sens et qui permettent de lever quelques idées reçues.

Vous pourrez lire les textes en intégralités en suivant les liens en bas de page.

 

Les crises financières sont inhérentes au capitalisme de marché


« Les crises financières sont inscrites dans les gènes du système capitaliste, et elles se produisent à intervalles plus ou moins réguliers. Mais de façon récurrente. Il y en a au moins une par décennie. Celle-ci apparaît plus grave car elle touche au cœur le système bancaire. Quand on pense à la dernière crise, l'explosion de la bulle Internet, (....) la grande différence entre 2000-2001 (...) c'est que le système bancaire est atteint au coeur et qu'il y a des faillites d'établissements bancaires. Et c'est cela qui fait penser à une similitude avec la crise de 1929. »

 

« Par définition, aucune crise n'est prévisible, sinon il n'y aurait pas de crises. La vraie crise a éclaté aux Etats-Unis en juillet 2007 avec la crise dite des subprimes. La crise actuelle était donc prévisible, mais sans que l'on puisse en déterminer le moment. »

 

Par définition, le capitalisme de marché génère un processus de destruction créatrice au sens large dans la mesure ou les marchés financiers sont chargés de faire correspondre les plans de financement d'agents économiques ayant des intérêts divergents et des horizons temporels différents. Comme, la finance n'est aucunement déconnectée de l'économie réelle, les crises financières s'accompagnent logiquement de crises de l'économie réelle : faillites d'entreprises, résultats en baisse, licenciements, chômage en hausse, baisse du pouvoir d'achat global, ...

 

Je précise que considérer que les crises financières ne peuvent être évitées ne signifient aucunement qu'il faille être fataliste. A l'instar de Jean-Paul FITOUSSI, je suis plutôt partisan de l'anti résignation et je refuse toute conception météorologique du fonctionnement de l'économie en général et de la finance en particulier. Bien au contraire, il convient de conjuguer actions de prévention dans le long terme et réactions propices à une guérison rapide à court terme. Mais le principe de réalité doit nous obliger à reconnaitre que la crise fait partie de la vie économique.  

 

Le rôle fondamental et central du système bancaire

 

Lorsque le système bancaire qui a pour fonction de gérer la monnaie indispensable à tous les échanges (biens et services, moyens financiers, ...) est  menacé, on comprend aisément que l'économie réelle est en danger. On comprend également qu'il devient difficile d'accepter les faillites en chaines de banques compte tenu des conséquences sur l'économie réelle que cela produirait. Cela a déjà été dit ici, l'aléa moral ne doit pas pour autant être négligé.


Monnaie, liquidité monétaire et liquidité de marché

 

« Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'une langue ne vaut que si les autres la parlent. Tobin disait que la monnaie est comme un langage : je l'accepte parce que les autres l'acceptent. Aujourd'hui, c'est une langue qui a disparu. Plus personne n'accepte le langage des titres. C'est un blocage du langage: si les titres ne sont plus échangeables, ils valent zéro même si leur valeur intrinsèque reste élevée. On est donc dans l'inutilité totale pour un certain nombre d'actifs. C'est aussi irrationnel que l'énorme liquidité qui a précédé la crise.

 

Quand la liquidité de marché disparait alors même que la liquidité monétaire est abondante, on se trouver bien face à ce problème de langage qui se traduit par un refus d'échange. Ici apparait une caractéristique non spécifiquement économique de la monnaie et de l'échange via la monnaie, la confiance. Il n'y a pas de monnaie sans confiance et surtout, il ne peut y avoir d'échange monétaire sans confiance dans les actifs que la monnaie permet d'acquérir. Quand cette confiance disparait, la préférence pour la liquidité est infini et plus personne ne veut détenir autre chose que des actifs liquides ou encore de la monnaie, la liquidité par excellence. On entre dans une situation de trappe à liquidité. Abondance de liquidité monétaire mais disparition de la liquidité de marché.

 

« La globalisation telle que nous la connaissons aujourd'hui aggrave-t-elle le potentiel de crise que le secteur financier peut connaître ? La réponse est sans ambage oui, dans la mesure où elle produit des effets de contagion beaucoup plus rapide, mais (....) nous sommes aujourd'hui dans un contexte complètement différent d'alors » (1929).

On ne peut pas avoir les avantages de la globalisation financière sans les inconvénients inévitables. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau de son bain. Les systèmes financiers, monétaires, économiques, parfaits ; cela n'existe pas. Les crises sont donc inévitables. Le mieux que l'on puisse faire est d'améliorer la prévention et de mieux gérer encore les crises quand elles surviennent.

 

Erreurs et pertes privées,

soutien public et socialisation des pertes

 

« Deuxième élément de très grande différence : la part des dépenses publiques et des impôts, la taille des Etats, est beaucoup plus importante aujourd'hui qu'elle ne l'était en 1929.

Donc l'activité économique est spontanément soutenue par l'existence de ces dépenses publiques et de ces recettes publiques importantes. J'insiste sur à la fois les dépenses et les recettes parce que d'une part, les dépenses soutiennent l'activité, d'autre part, les recettes publiques, en temps de crise, diminuent, ce qui équivaut à un partage des pertes privées par l'Etat. En réalité, lorsqu'un individu perd 1 000 aujourd'hui, il va payer moins d'impôts, donc sa perte nette est inférieure à 1 000. Lorsque le taux de prélèvement obligatoire est important, le partage des pertes entre le secteur privé et le secteur public devient plus important. »

 

La question de la privatisation des profits et de la socialisation de pertes a également été traitée, en partie, ici. La manière dont Jean-Paul Fitoussi, aborde la question ici est intéressante car il nous montre qu'il existe de facto un mécanisme de partage public-privé des pertes, indépendamment de toute intervention discrétionnaire de la puissance publique, qui est d'autant plus important et stabilisant dans l'intérêt collectif et individuel que la part de l'Etat dans l'économie de marché est plus importante.

 

De la Garantie Publique des Dépôts

 

« Mais encore une fois, ce qui me paraît le plus important dans cette affaire, c'est la politique économique. Le fait que les gouvernements affirment qu'ils ne laisseront aucune banque aller à la faillite signifie que les dépôts sont garantis, et que donc aucune faillite bancaire ne peut naître d'une ruée vers les guichets comme on l'a vu dans les années 1930, et comme on l'a vu en 2007 en Angleterre dans le cas de la banque Northern Rock. »

 

«On pourrait nationaliser le système bancaire»

 

Les nationalisations temporaires et non définitives ont déjà fait la preuve de leur efficacité. Elles permettent de limiter les pertes privées, mais également les pertes publiques liées aux destructions de capital et donc du potentiel de croissance à long terme. De surcroit, lors de la revente des actifs par l'Etat au secteur privé, celui peut réaliser des plus values qui peuvent être redistribuées aux agents économiques, aux citoyens, via divers canaux.

 

« Les conséquences peuvent être très graves si cette crise vient à assécher complètement le crédit. Mais on sait que (...) nationaliser les banques et le système bancaire. (...) peut être fait avec très grand profit. Les Coréens l'ont fait pendant la crise asiatique et cela a permis au gouvernement de revendre ses banques cinq ans après avec un profit considérable pour les contribuables. On peut aussi trouver un système qui arrive à cela, avec un système de garanties publiques. »

 

« La garantie publique apportée aux banques. Cela peut ne rien coûter, c'est juste une caution. Il y aura de temps en temps du cash, mais ce sera du cash contre des actifs. C'est une participation au capital, cela peut être très rentable dans deux, trois ans. Ce n'est pas de la dépense nette. C'est de l'investissement. »

 

Incertitude,  Crise de Confiance et défiance généralisée

 

« Je considère que la crise que nous vivons a une dimension particulière parce qu'elle est à la fois une crise de compréhension et une crise de l'information.

Nous ne sommes pas sûrs de comprendre ce qui s'est passé sur les marchés financiers. Nous sommes même à peu près sûrs que les acteurs sur ces marchés n'ont pas très bien compris ce qu'ils faisaient. Ils achetaient et revendaient des titres de plus en plus complexes, dont l'évaluation soudainement est devenue impossible. Nous ne sommes pas sûrs de disposer de l'ensemble des informations sur le bilan des banques, et plus que cela, nous ne sommes pas sûrs que les banques elles-mêmes disposent de cette information. Parce que certains actifs qu'elles détiennent, parce qu'ils n'ont aujourd'hui pas de marché, n'ont pas de valeur. Mais il se peut que ces titres retrouvent un marché demain ou après-demain... »

 

« La crise actuelle vient de l'opacité de l'information, d'un manque d'informations. Et aujourd'hui, l'information dont on dispose est encore parcellaire. La crise peut donc se révéler plus grave que ce que l'on sait. Ou inversement.»

«  Il y a aussi une crise de la compréhension, c'est-à-dire qu'on a produit des instruments que l'on ne comprend pas. On faisait un peu trop confiance à leurs concepteurs qu'eux-mêmes on était dans la quasi impossibilité de comprendre.

La titrisation et la construction de produits complexes ont certes permis de diluer le risque en le partageant mais cela a conduit également à rendre plus opaque l'information sur la situation des différents acteurs dans leurs expositions respective aux risques.

L'incertitude qui en découle, au sens de Franck Knight, n'est pas probabilisable. Habituellement, en économie on distingue l'incertitude et le risque depuis que l'économiste américain Franck Knight l'a proposé en 1921 dans son ouvrage « Risk, Uncertainty and profit ». Lorsque le  degré d'exposition de chacun à divers risques est complètement inconnu, il en résulte ipso facto une crise de défiance généralisée dont personne ne sait comment sortir car chacun a peur de sortir trop tôt. Comme personne n'ose montrer le chemin de la sortie de crise par crainte d'y perdre davantage encore s'il reste seul, tout le monde choisit le statu quo, lequel devient d'autant plus destructeur qu'il est durable.

Incompréhension et incertitude se cumulent par multiplier les risques potentiels pour les marchés financiers et l'économie réelle.

 

Avenir : Les Figures du Possible

 

« Le scénario que je considère comme le plus probable est que, compte tenu de la prise de conscience de la gravité de la situation par tous les gouvernements de la planète, par toutes les banques centrales de la planète, cette prise de conscience est de nature à nous éviter une (...) récession longue. »

 

Aujourd'hui, on ne peut que constater que malgré les interventions multiples de la puissance publique depuis deux semaines, les bourses continuent de s'effondrer avec tous effets pervers que cela génère.

Ce vendredi 10 octobre 2008 est une nouvelle journée noire. Après le lundi noir, voilà le vendredi noir. Après une journée catastrophique sur les places financières mondiales, la Bourse de Paris a terminé en baisse de 7,76 %, à 3 176 points. Toutes les Bourses européennes s'effondrent.

 

« Plongée des marchés boursiers en Europe et Asie avant le G7 »

 

« La Bourse de Paris s'effondrait vendredi matin, le CAC 40 plongeant de plus de 8 % - ayant même essuyé un bref recul sous les 10 % - après l'ouverture comme les autres places européennes, qui étaient aussi en très fort recul, Londres et Francfort se repliant de plus de 5 %. La Bourse de New York a connu jeudi une séance calamiteuse, la pire depuis le krach d'octobre 1987, le Dow Jones plongeant de 7,33 %. Les places asiatiques ont suivi : à Tokyo, l'indice Nikkei s'est effondré de 9,62 %, sa pire baisse en une séance depuis 21 ans. Ni la multiplication des mesures et garanties gouvernementales en faveur du secteur bancaire, ni l'annonce mercredi de baisses de taux concertées de sept banques centrales, n'ont suffi à rassurer un marché fébrile, affolé par la propagation de la crise financière et ses répercussions économiques.

Ce nouvel effondrement des marchés met la pression sur la réunion des ministres de l'économie et des finances du G7 qui s'ouvre à Washington vendredi. Ils devaient "discuter des démarches entreprises par chacun pour faire face à cette crise et des moyens de renforcer nos efforts collectifs", a déclaré le secrétaire américain au Trésor Henry Paulson. Selon la presse japonaise, Tokyo va proposer au G7 la création d'un fonds d'urgence d'environ 200 milliards de dollars  pour prêter de l'argent aux petits pays affectés par la crise. » AFP et Le monde

  

On ne peut qu'espérer que les effets positifs de ces diverses interventions, passées et futures, produisent graduellement leurs effets dans les esprits afin de réduire l'incertitude et de restaurer la confiance indispensable à un rétablissement durable du calme et de l'optimisme raisonnable.

 

A suivre, ...

 

A consulter :

http://www.lemonde.fr/web/chat/0,46-0@2-3234,55-1103363@45-100,0.html

Jean-Paul Fitoussi : "la leçon de la crise de 1929 a été tirée et il n'y aura pas de récession longue"  Débat du mercredi 8 octobre 2008, L'intégralité du débat avec Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, centre de recherche en économie de Sciences Po, mercredi 8 octobre 2008

Jean-Paul Fitoussi, « Libération »  le 30 septembre 2008

«On pourrait nationaliser le système bancaire»

http://www.liberation.fr/economie/0101119559-on-pourrait-nationaliser-le-systeme-bancaire

et

Crise Financière : Une Action coordonnée de Six Banques Centrales

Panique Bancaire et Financière mondiale

Crise financière : quelle réponse européenne ?

Le Bilan des banques avant et après le Plan de sauvetage du Trésor US

Intervention Publique et Crise Financière, c'est bon pour l'Aléa Moral

Sauvetage du système financier : A quel prix pour le contribuable ?

Crise financière et Injection de liquidités

Les dangers de la « Finance de PONZI »

De la crise financière, ... à la crise réelle ?

Attention : une crise financière peut en cacher une autre

Crise financière : excès de liquidités ou excès d'épargne ?

La « catastrophe » de 2011 : une grave crise de l'endettement

D'une bulle spéculative à la suivante

Etats Unis : quelle évolution des taux de défaut sur les crédits subprime ?

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commentaires

D
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