La BRI, Banque des Règlements Internationaux, publie chaque année en juin un rapport présentant une synthèse de la situation économique, monétaire et financière dans le monde.
Avec la crise des subprimes en 2007 puis le déclenchement d’une crise financière profonde en 2008, avec le plongeon dans la récession de l’économie mondiale, avec les politiques macroéconomiques monétaires et budgétaires de soutien mises en place afin d’éviter une grande dépression et la déflation, ce rapport est encore plus attendu que jamais. Le prochain rapport, 2009-2010 paraitra fin juin 2010.
En attendant celui-ci, on peut lire à la lumière de ce qu’on a observé depuis juin 2009, ce que disais la BRI dans le rapport 2008-2009. A cet aune, on peut mesurer l’écart entre les recommandations de la BRI et les comportements des autorités nationales et internationales.
Prenons le cas des politiques budgétaires pour commencer. Nous reviendrons sur les politiques monétaires prochainement…
« Plans de relance budgétaire pour stimuler la demande globale »
« Fin 2008, alors que la crise entrait dans sa quatrième phase, des inquiétudes se sont fait jour sur la capacité de la politique monétaire d’éviter une brutale contraction de la production. De même, les programmes de recapitalisation et les garanties publiques offertes aux banques pouvaient avoir empêché l’effondrement du système financier mais ne semblaient pas aptes à relancer l’activité à court terme. Dans ce contexte, les autorités des principales économies ont eu recours à des mesures budgétaires pour stimuler la demande globale et amortir le fléchissement conjoncturel. En mai 2009, presque tous les pays de l’OCDE et de nombreuses économies émergentes non membres avaient annoncé des plans de relance budgétaire. L’ampleur de ces plans varie considérablement. (…) Le rôle relatif des stabilisateurs automatiques est bien plus prépondérant et explique environ un cinquième de la variation des montants engagés par les pays de l’OCDE (graphique VI.8, cadre du milieu). » Source : BRI 79e Rapport annuel, 29 juin 2009.
Après avoir observé l’inefficacité des politiques monétaires standards, les canaux de transmission habituels des effets des politiques menées par les banques centrales sur l’économie réelle étant grippés, les banques centrales sont passées à des politiques monétaires moins conventionnelles. Il s’agissait d’accorder encore plus facilement des liquidités au banques, voire directement à l’économie. C’est pour cela que les économistes ont parlé de quantitativ easing, puis de credit easing. Mais nous reviendrons sur ces points relatifs à la politique monétaire plus tard.
De manière analogue, les programmes de recapitalisation et les garanties publiques offertes aux banques par les Pouvoirs Publics devaient être suivis de politiques budgétaires largement expansionnistes afin de soutenir la demande globale largement affectée par la détérioration de l’emploi. C’est toute l’histoire des différents plans de relance mis en œuvre dans différents pays du monde.
Mais comme un choc symétrique (affectant tous les pays simultanément) a des effets asymétriques car les économies ne sont pas dans la même situation initiale, les plans sont très variables dans leur ampleur et leur structure.
Dans la même logique, l’effet des stabilisateurs automatiques sur le ralentissement et/ou la reprise va varier d’une économie à l’autre en fonction des structures respectives des recettes et des dépenses publiques et de leurs poids dans l’économie. La politique discrétionnaire qui en découlera sera donc différente d’un pays à l’autre.
Les stabilisateurs automatiques désignent les effets des variations automatiques du solde budgétaire public (variation des dépenses et des recettes) induites par les variations conjoncturelles (ralentissement ou accélération de l’activité) sur la croissance économique. En période de ralentissement, à structure des dépenses et des recettes inchangées, les recettes fiscales vont baisser et les dépenses vont augmenter, ce qui va creuser le déficit budgétaires. Ce déficit va permettre de soutenir l’économie et réduire l’effet récessif.
« Au vu de l’importance des stabilisateurs automatiques dans de nombreuses économies, les plans de relance discrétionnaires devraient sans doute être envisagés dans un cadre plus large. Pour mesurer la relance globale, il est préférable de se fonder sur la variation attendue des soldes budgétaires à court terme, qui reflète les dépenses (et les recettes) liées aux plans de sauvetage financiers ainsi que la baisse de recettes découlant de la dépréciation des actifs. La relance budgétaire correspond à la somme des diverses composantes et non à une composante unique. Les déficits budgétaires devraient atteindre des niveaux largement supérieurs à ceux qui étaient prévus avant l’aggravation de la crise, en septembre. Tant les soldes structurels que conjoncturels devraient se détériorer très nettement (graphique VI.1, cadre inférieur). » (…) Source : BRI 79e Rapport annuel, 29 juin 2009.
Il convient donc de prendre en compte l’ampleur des stabilisateurs automatiques pour mesurer plus largement l’ampleur de la relance budgétaire. Autrement dit, on ne peut se contenter de mesurer l’ampleur des plans de relance de l’économie à partir des politiques budgétaires dites discrétionnaires (changement dans la structure des dépenses et des recettes, indépendamment des variations conjoncturelles). Il convient d’y ajouter les efforts publics de soutien au secteur bancaire et financier et les effets de soutien des stabilisateurs automatiques.
En effet, dans chaque cas, il y a dégradation des soldes publics conjoncturels mais également structurels.
Comme attendu, les déficits se sont creusés nettement depuis un an. Voir les graphiques par ailleurs sur ce blog.
« La possibilité de procéder à une relance budgétaire varie sensiblement entre les différents pays. Ceux qui ont une dette publique très élevée et des déficits budgétaires significatifs sans même avoir décidé de mesures discrétionnaires, ou encore ceux dont les engagements non financés sont considérables, ont moins de latitude que les pays ayant des finances publiques plus saines. (…) dans les pays de l’OCDE, aucune relation significative n’est observée entre le montant des plans et l’encours de la dette publique (graphique VI.8, cadre de droite). En outre, les coûts de financement ont généralement diminué, malgré une nette aggravation des déficits budgétaires (graphique VI.9, cadre inférieur). Quelques exceptions concernent de plus petits pays comme la Hongrie, l’Irlande et l’Islande qui, accusant des déficits budgétaires substantiels, ont eu du mal à placer leurs titres de dette publique et ont dû resserrer leur politique budgétaire durant les troisième et quatrième phases de la crise. » Source : BRI 79e Rapport annuel, 29 juin 2009.
Aujourd’hui, début 2010, on observe bien ce qui était attendu. Les possibilités de relance budgétaire étaient différentes d’un pays à l’autre. Dans ces conditions, les plans de relance discrétionnaires en ont été affectés. Les politiques monétaires excessivement expansionnistes ont permis de maintenir des taux d’intérêt très bas à court terme et le recyclage des capitaux des pays émergents et exportateurs de pétrole vers les pays de l’OCDE, comme les pays de la Zone euro et les Etats-Unis, ont permis de maintenir les taux d’intérêt à long terme à des niveaux durablement bas, ce qui a facilité le financement à des couts très faibles des déficits publics et l’accroissement des dettes publiques.
Pour quelques petits pays, pour l’instant, les primes de risque sur les titres publics ont augmenté. Il y a le cas bien connu de la Grèce, mais le Portugal, l’Espagne, l’Irlande, …, pourraient suivre le même chemin. Le risque est que ces pays suscitant des doutes chez les créanciers, acheteurs de titres de dette publique, doivent payer plus chers leur endettement ce qui d’une part nuit au soutien de l’économie et d’autre part, accroit automatiquement le poids de la dette publiques dans le PIB.
« Les méthodes nationales diffèrent même si la plupart des plans de relance panachent allégements fiscaux et hausses des dépenses publiques (graphique VI.7, cadre inférieur). Les allégements de la fiscalité tendent à avoir moins d’effet sur la production que les mesures ciblant les ménages à faible revenu (épargnant sans doute peu). Néanmoins, plusieurs raisons ont poussé les autorités budgétaires à inclure de tels instruments dans leur plan. Certaines étaient politiques : il est plus facile de mobiliser des fonds publics importants quand les bénéfices escomptés intéressent un grand nombre de contribuables. D’autres raisons étaient économiques : la mise en place d’allégements fiscaux est relativement rapide, alors que l’augmentation des dépenses publiques implique souvent des délais significatifs. En outre, diminuer l’impôt des personnes physiques peut contribuer au désendettement du secteur des ménages et donc accélérer la reprise à un stade plus lointain, même si l’incidence sur le PIB est modeste à court terme. »
Source : BRI 79e Rapport annuel, 29 juin 2009.
Les situations économiques initiales des pays étant hétérogènes, les structures des dépenses et des prélèvements obligatoires étant également très diversifiées, il est logique que les choix entre accroissement des dépenses et baisses de la fiscalité qui en découlent soient différents. Or, si l’action à la baisse sur la fiscalité est plus rapide et plus populaire, l’effet multiplicateur en reste néanmoins plus faible. Autrement dit, et pour faire simple, 1000 euros de dépenses publiques ont un impact économique plus fort que 1000 euros d’impôts en moins. En effet, la baisse d’impôt laisse le choix à celui qui en bénéficie d’en épargner une partie c’est à dire de ne pas tout utiliser en dépense immédiate pour soutenir l’économie.
« Les plans de relance ont sans aucun doute été massifs, mais s’avéreront-ils efficaces ? Les estimations varient. (…) il est difficile de savoir si les estimations économétriques effectuées à partir de situations en phase de fonctionnement normal des marchés financiers sont d’une quelconque utilité pour évaluer l’efficacité des mesures budgétaires au stade actuel. Certes, les tensions financières risquent de faire augmenter le pourcentage de ménages et d’entreprises sans accès au crédit, et éventuellement la part de leur revenu additionnel consacrée à la dépense. Mais, dans le même temps, le degré élevé d’incertitude pourrait les inciter à se désendetter ou à épargner plus, diminuant ainsi l’effet multiplicateur. » Source : BRI 79e Rapport annuel, 29 juin 2009.
5 Les modèles macroéconomiques structurels utilisant des anticipations fondées sur le passé donnent généralement des multiplicateurs supérieurs à 1 (un dollar consacré à des dépenses budgétaires fait augmenter le PIB de plus d’un dollar). Selon des modèles plus prospectifs et des analyses ponctuelles, les multiplicateurs sont le plus souvent inférieurs à 1 (la hausse des dépenses budgétaires est compensée par une réduction des dépenses dans d’autres pans de l’économie).
Qu’est-ce que la BRI ?
La Banque des Règlements Internationaux (BRI) est une organisation internationale qui oeuvre à la coopération monétaire et financière internationale et fait office de banque des banques centrales.
La BRI s’acquitte de son mandat en agissant comme :
− forum pour faciliter les échanges de vues et les processus de prise de décision entre banques centrales et au sein de la communauté financière et prudentielle internationale ;
− centre de recherche économique et monétaire ;
− contrepartie d’excellente qualité pour les banques centrales dans leurs transactions financières ;
− agent ou mandataire (trustee) pour les opérations financières internationales.
Conseil d’administration de la BRI
Le Conseil d’administration compte 19 membres. Six le sont ès qualités : les gouverneurs des banques centrales d’Allemagne, de Belgique, de France, d’Italie et du Royaume-Uni et le Président du Conseil des gouverneurs du Système de Réserve fédérale des États-Unis ; chacun d’eux peut nommer un autre administrateur de même nationalité. Les Statuts prévoient que le Conseil peut, en outre, élire au maximum neuf gouverneurs d’autres banques centrales membres ; sont actuellement élus ceux des banques centrales du Brésil, du Canada, de Chine, du Japon, des Pays-Bas, de Suède et de Suisse, et le Président de la Banque centrale européenne.
Direction Générale de la BRI
Le Directeur Général est Jaime Caruana, et le Directeur Général Adjoint, Hervé Hannoun. Peter Dittus dirige le Secrétariat général, Stephen Cecchetti, le Département monétaire et économique, et Günter Pleines, le Département bancaire. Le Directeur juridique est Diego Devos.
A consulter
Ripostes des autorités face à la crise Abstract | Full Text
(PDF, 28 pages, 1145 kb)