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David Mourey

  • : Démocratie Economie et Société
  • : David MOUREY Professeur d'Economie Auteurs de nombreux ouvrages d'économie chez De Boeck Fondateur des « Rencontres économiques » depuis 2005.« Rencontres économiques lycéennes » et « Rencontres économiques citoyennes »à Pontault-Combault depuis 2005 ! Fondateur des« Rencontres économiques » à Paris depuis 2008 !
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Le Livre de la Semaine

 

 

Texte Libre

 

19 juillet 2007 4 19 /07 /juillet /2007 15:19
Dans un article du quotidien « Le Monde » publié le 20 juin 2007, intitulé « Le gouvernement veut faire la transparence sur les chiffres du chômage », on nous explique que « Matignon a annoncé, mercredi 20 juin dans un communiqué, avoir confié une "mission" à l'Inspection générale des finances, à l'Inspection générale des affaires sociales et à l'Insee " pour faire le point sur les modalités de calcul" des chiffres du chômage. Les chargés de la mission pourront consulter des experts et des économistes, précise le communiqué. Leur rapport est attendu pour la fin du mois de juillet. »
 
Visiblement, les effets de la polémique de printemps sur les chiffres du chômage sont passés par là. 
 
Un bref rappel des faits s’impose. En janvier, l’Insee a décidé de reporter au mois de septembre 2007 la publication des chiffres corrigés du chômage à partir de l’enquête emploi. Ce report a suscité une polémique autour de la véritable ampleur de la baisse du chômage observée en France, depuis mi 2005. Début mars, selon les calculs de deux administrateurs de l'Insee et d’un salarié syndicaliste de l'ANPE, le taux de chômage en France était plus proche de 9,5 % à la fin 2006 que de 8,7 % comme annoncé par l'Insee et le ministère du Travail. 
 
Ainsi, le taux de chômage serait d’environ 1 point supérieur (0,8 point) au chiffre annoncé par l'Insee et le ministère du Travail. Cette correction des chiffres du chômage correspondrait à l’équivalent d’environ 200 000 demandeurs d'emploi supplémentaires. L’ampleur de la diminution du chômage depuis le milieu de l’année 2005 fondrait comme la neige au soleil, si les chiffres « corrigés » par cette note anonyme sont vérifiés ultérieurement.
 
Fin mars 2007, Eurostat donne du grain à moudre à la contestation des données officielles en recalculant le chômage français sur plusieurs mois. En utilisant les données de l'enquête sur l'emploi dont l'Insee a décidé de différer la publication l'office européen des statistiques annonce que le taux de chômage a atteint 8,8 % en février, contre 8,4 % annoncé par l’Insee… Entre janvier 2006 et janvier 2007, le taux de chômage aurait baissé selon de 9,7 % à 8,9 % et non de 9,5 % à 8,4 %. La baisse serait donc 0,8 point et non de 1,1 point.
 
Certes, cet épisode a montré qu’on ne gagne pas une élection présidentielle en polémiquant inutilement sur quelques dixièmes de points de taux de chômage, cependant, de nombreux arguments qui ont pu être avancés au cours des débats houleux du printemps permettent de reposer avec force la question de la pertinence de la (des) mesure(s) du taux de chômage et du nombre de chômeurs.
 
Les 7, 11 et 30 mars, j’avais tenté de montrer dans trois billets successifs, « Symbolique et fétichisme des chiffres », « Urgences sociales et indépendance statistique », « Tintamarre autour des chiffres du chômage », que ce débat est fondamental et qu’il ne saurait être négligé. Pour autant, j’avais insisté sur le caractère déplacé du langage de la suspicion à un moment ou les questions de fond auraient dû dominer, largement.
 
Quels enseignements peut-on tirer de cette affaire aujourd’hui
afin de mieux mesurer le chômage demain ?
 
C’est à cette question que Matthieu Lemoine, économiste à l’Ofce tente de répondre dans une lettre publiée le 11 juin 2007 : « Chômage: débattre de la mesure ». 
 
D’emblée, Matthieu Lemoine se pose les question suivantes :
 
« Pourquoi une telle confusion entre les différentes sources statistiques ?
Les résultats 2006 de l’enquête doivent-ils réellement être jetés aux orties ?
Surtout, à quel niveau se trouve finalement le taux de chômage ?
Y a-t-il eu ou non une reprise de l’emploi et une baisse du chômage depuis 2005 ? »
 
Puis il tente d’y apporter avec rigueur quelques réponses.
 
Des effets administratifs
 
Il constate que la «  baisse a été amplifiée par des problèmes affectant (les) statistiques administratives. »
 
D’abord, « les changements des règles d’indemnisation ont modifié les comportements d’inscription des chômeurs. (…) la durée d’indemnisation de la filière principale de l’assurance chômage a finalement été réduite de 30 à 23 mois pour les demandeurs d’emploi inscrits à partir du 1er janvier 2003. De ce fait, une partie des demandeurs d’emploi arrivant en fin de droit a pu cesser de s’inscrire en 2005. »
 
Mais il conviendra, pour avoir une véritable mesure de cet effet, de déterminer avec précision l’évolution du comportement d’inscription des demandeurs d’emploi en fin de droit dés que les données seront disponibles. En effet, le nombre de sorties pour non-renouvellement peut être surestimé car « une partie des personnes concernées pourrait se réinscrire quelques mois plus tard et ne serait alors pas repérée dans la catégorie « Défaut d’actualisation suivi d’une réinscription ».
 
Ensuite, « La surévaluation de la baisse du chômage, issue des estimations mensuelles, s’expliquerait aussi par les radiations et reclassements effectués par l’ANPE, dans le cadre de la politique d’accompagnement des chômeurs impulsée depuis la mi-2005 par le gouvernement »
 
La règle des entretiens mensuels favorise les radiations, de même les délais plus courts dont disposent les chômeurs pour actualiser leur situation. Des demandeurs d’emploi à la recherche d’un CDI à temps plein sont plus rapidement reclassés dans la catégorie demandeur d’emploi occupant déjà un emploi…
 
Des effets démographiques
 
Depuis 2002, la population active augmente plus rapidement que prévu pour des raisons strictement démographiques mais aussi en conséquence de certaines mesures liées à la réforme des retraites.
 
Le taux de chômage étant le rapport entre le nombre de chômeurs et le nombre d’actifs (TC = C / PA), pour un nombre de chômeurs donné, si la population active augmente plus vite, alors mécaniquement le taux de chômage diminue. Il peut donc y avoir baisse du taux de chômage (sans créations d’emplois), en vertu d’une accélération de la croissance de la population active.
 
En fait, en France depuis 2002, on observe une croissance de la population active potentielle supérieure à l‘augmentation de la population active observée. Cet écart traduit une sous estimation de la hausse de la population active.
 
Cependant, si le chômage et le taux de chômage diminuent davantage que ce qui est expliqué par l’évolution de la population active, c’est le résultat d’une croissance de l’emploi plus rapide. Nous reviendrons dans un instant sur cet aspect de l’explication.
 
En matière d’estimation de l’évolution de la population active, un autre problème se pose : il s’agit du décalage possible entre l’estimation statistique et l’estimation administrative.
 
On observe donc qu’en France, « en 2006, l’évolution de la population active observée à partir du dernier recensement et de la dernière enquête emploi (+ 166 000) semble en ligne avec les grandes tendances prises en compte dans les dernières projections de l’INSEE (…). En revanche, l’évolution de population active issue des sources administratives (– 47 000), notamment des inscriptions à l’ANPE, apparaît en rupture avec les tendances observées sur le passé. »
 
« De ce point de vue, le problème se situerait plus du côté des sources administratives que de l’enquête emploi. » nous dit l’économiste de l’Ofce. La mesure administrative sous estimerait la croissance de la population active.
 
En ce qui concerne les incidences de la réforme du système de retraite,  les effets des retraites anticipées pour carrière longue (dispositif de la réforme Fillon pour les personnes ayant commencé à travailler à 16 ou 17 ans) et l’effet de la réforme du barème (allongement de la durée de cotisation nécessaire pour que la pension de retraite ne soit pas diminuée par la décote) permettent également d’expliquer la croissance de la population active.
 
Les créations d’emplois
 
Sur ce point, Matthieu Lemoine précise que « La décision de report du recalage a en fait été prise par l’INSEE en raison d’incohérences qui porteraient sur les créations d’emplois. »
 
Il y aurait, en effet, un important décalage au troisième trimestre 2006 en France entre l’évolution de la population active occupée (+ 130 000 en glissement annuel) selon l’enquête emploi de l’Insee et le nombre de  créations d’emplois selon les sources administratives (+ 250 300), Acoss, Unédic, DARES et ANPE. Ce phénomène est logiquement analogue au précédent dans la mesure ou la population active occupée (par un emploi) est une composante de la population active.
 
« Selon l’INSEE, cet écart pouvait très partiellement provenir d’un taux de non-réponse en légère augmentation (21,5 % au troisième trimestre, contre 21,3 % un an auparavant). Toutefois, ces problèmes ne semblent pas plus marqués en 2006 qu’auparavant. » et « L’écart nettement plus important entre les deux sources n’avait pas conduit en 2004 à rejeter les résultats de l’enquête emploi. »
 
En fait, la situation du marché du travail s’est bien améliorée en 2006, notamment grâce à une accélération des créations d’emplois dans le secteur marchand (+ 158 800 en 2006, après + 72 800 en 2005) et la croissance des effectifs en contrats aidés du secteur non marchand (+ 16 000 en 2006, après – 53 000 en 2005).
 
Donc, si le taux de chômage diminue davantage que ce qui est expliqué par l’évolution de la population active, c’est le résultat d’une croissance de l’emploi plus forte. L’amélioration de la situation en matière de création d’emplois vient se cumuler à l’impulsion démographique pour expliquer la baisse du taux de chômage.
 
Des estimations trimestrielles préférables aux estimations mensuelles
 
Selon Matthieu Lemoine, « pour restaurer la confiance dans les statistiques du chômage, la solution (..) est de rendre plus clair le rôle central de l’enquête emploi ». ( …)  « il faudrait que l’INSEE abandonne les estimations mensuelles fondées sur les statistiques de l’ANPE et publie à une fréquence trimestrielle un taux de chômage mesuré avec l’enquête emploi. »
 
De l’importance du halo du chômage
 
Dans un encadré, Matthieu Lemoine, nous rappelle que les critiques du collectif « Les autres chiffres du chômage » (ACDC) portaient aussi sur le caractère étroit de la définition du chômage au sens du BIT qui cacherait une grande partie de la précarité de l’emploi.
 
Ce type de critique n’est vraiment pas nouveau. L’auteur nous rappelle à juste titre un rapport publié en 1997 par des spécialistes reconnus de ces questions.
 
Dans le billet suivant « Urgences sociales et indépendance statistique  », j’avais présenté en détail les différentes catégories répertoriées pas le rapport de R Castel, JP Fitoussi, J Freyssinet et H Guaino, « Chômage : le cas français », La Documentation française, 1997.
 
On remarquera quelques analogies entre la classification proposée par ce rapport en 1997 et celle proposée désormais par le collectif ACDC.
Enfin, on retrouve ce type d’approche du chômage ici : 15 % de chômeurs aux EU ?
En juin, le Centre for Economic and Policy Research (CEPR) a appliqué au cas américain la méthode employée en 2006 par le Mc Kinsey Global Institute pour ré-estimer le taux de chômage en Suède. Le résultat, spectaculaire, porte le taux de chômage américain de 5,5 % à 15,2 %.  
Cinq populations sont ajoutées aux chômeurs BIT : les personnes aux marges de l’activité (chômeurs découragés), sous-employées (à temps partiel contraint), valides mais exclues de l’activité (préretraite et incapacité), en emplois aidés, incarcérées.
 
On en déduit, avec les réserves techniques et conceptuelles qui s’imposent, qu’un diagnostic complet de l’état du chômage ne peut plus se passer de ce type de mesure élargie du phénomène. Une médication plus adaptée ne peut s’appuyer que sur un diagnostic plus précis, plus représentatif.
Une plus grande transparence de l’information sur les statistiques du chômage, l’efficacité de la lutte contre le chômage et la cohésion sociale en dépendent.
 
A lire :
 
Lettre de L’Ofce, N°286 - 11/06/2007
David Mourey :
 
 
 
 
« Le Monde », le 20 juin 2007
« Le gouvernement veut faire la transparence sur les chiffres du chômage »
 
 
clair & net@ofce
Une e-contribution des chercheurs de l'OFCE aux débats économiques et sociaux
 « Chômage : en attendant l’Insee », 13 février 2007
Matthieu Lemoine                                                                                        
Avec le report à l’automne prochain des résultats de l’enquête emploi, la seule source pertinente pour mesurer le chômage, une polémique a enflé sur la réalité de sa baisse...                                                                   Lire la suite >>
 
Jacques Freyssinet, « Note Lasaire »,
« Controverses sur les chiffres du chômage »février 2007
 
Eric Maurin
« Chômage : sueurs et contorsions au Conseil de la Statistique »
 
 
20 juin 2007 3 20 /06 /juin /2007 18:37
Voilà de quoi faire rebondir les débats sur la mesure du chômage et plus précisément sur les conventions internationales qui permettent de mesurer le chômage dans chaque pays, puis de faire des comparaisons internationales. Je ne m’étendrais pas en commentaire aujourd’hui mais je crois que cette information vaut la peine d’être diffusée.
 
L’effet boomerang d’une étude du Mc KINSEY GLOBAL INSTITUTE sur le chômage en suède
 
Dans une note de juin, le Centre for Economic and Policy Research (CEPR) s’est essayé à appliquer au cas américain la méthode employée en 2006 par le Mc Kinsey Global Institute pour ré-estimer le taux de chômage en Suède.
 
Avec un résultat tout aussi spectaculaire : l’étude Mc Kinsey faisait tripler le taux suédois de 2004 (de 5,3 % à 15,7 %), sa transposition par le CEPR porte le taux « de facto» américain de 5,5 % à 15,2 %.
 
Cinq populations sont ajoutées aux chômeurs BIT : les personnes aux marges de l’activité (chômeurs découragés), sous-employées (à temps partiel contraint), valides mais exclues de l’activité (préretraite et incapacité), en emplois aidés, incarcérées.
 
Pour les deux premières, l’effet du redressement est moindre aux États-Unis : + 1,4 point de chômage, contre + 3,1 en Suède.
 
L’incidence des retraits d’activité est la même dans les deux pays. En revanche celle des emplois aidés et surtout de la population carcérale est deux fois plus forte aux États-unis (+ 4,9 points contre + 2,5 en Suède).
 
Bien que menée avec rigueur cette démarche soulève nombre d’objections techniques :
 
Quelle est la proportion « normale » de préretraités ou d’invalides ?
Quelle est la bonne période de référence pour observer la recherche d’emploi ?
 
Cette démarche soulève aussi nombre d’objections conceptuelles
 
Un travailleur pauvre bénéficiant d’un crédit d’impôt est-il chômeur à due proportion ?
Les prisonniers sont-ils des chômeurs ? …
 
Elle a cependant la vertu de montrer qu’au-delà d’une mesure universelle du chômage stricto sensu, une recension selon des critères homogènes des situations intermédiaires entre emploi, chômage et inactivité peut offrir une vision plus complète du fonctionnement du marché du travail.
 
Source de ce texte :
 
Centre d’analyse stratégique, Note de Veille n°63
 
La Note du Center for Economic and Policy Research (CEPR)
 
 
19 avril 2007 4 19 /04 /avril /2007 19:52
La polémique sur les chiffres du chômage rebondit, une fois de plus.
 
Dans le quotidien « La Tribune » du 19 avril 2007, Catherine Delgado nous explique que les statisticiens de l'emploi se mobilisent en vue d’un rassemblement jeudi afin « d’exiger la suspension de la publication des chiffres du chômage. Le chiffre mensuel publié par le gouvernement, basé sur les données ANPE, ne reflète plus selon eux l'évolution du chômage depuis 2005. »
 
 
 
« Les syndicats des services statistiques du ministère (CGT, CFDT, FO, Snu-FSU et Unsa), mais aussi de l'Insee (CGT, CFDT, Sud et FO) et de l'ANPE (Snu-FSU, Sud et FO) appellent à un rassemblement devant la Dares pour demander la suspension de la publication des chiffres du chômage, dont la prochaine doit avoir lieu entre les deux tours de l'élection présidentielle. »
 
 
 
Compte tenu des incertitudes qui entourent les statistiques du chômage en ce moment en France, c'est la moindre des chôses.
 
A lire
 
La Tribune.fr du 19 avril 2007
 
Mercredi 07 Mars 2007
 
Dimanche 11 Mars 2007
 
 
Vendredi 30 Mars 2007
 
Et les nombreux liens associés à ces billets.
30 mars 2007 5 30 /03 /mars /2007 20:17
La polémique sur les chiffres du chômage se poursuit. Tout cela en raison de la publication par l’insee des dernières estimations mensuelles du chômage qui ne tiennent pas compte des résultats de la dernière enquête emploi dont la publication a été reportée à l’automne.
 
Mais tout ce bruit ne sème-t-il pas plus de confusion et de désordre dans une situation qui est déjà confuse ? Va-t-on observer et entendre chaque mois les mêmes critiques ? A quoi cela sert-il ?
 
Encore une fois, dans cette période qui doit nous conduire à faire un choix crucial pour les cinq prochaines années, ne devrions-nous pas nous demander, dans quelle mesure les différents programmes des candidats sont-ils susceptibles d’enclencher un retour durable au plein emploi ?
 
Si les chiffres annoncés par l’Insee sont discutables pour toutes les raisons déjà évoquées sur ce blog et partout ailleurs, si le gouvernement persiste à défendre mordicus des statistiques dont on sait qu’elles seront largement corrigées, nous devons au moins admettre que la tendance à la baisse du chômage semble réelle depuis un an.
 
Certes, l’ampleur de cette baisse est bien moindre que ne le souhaite le gouvernement en place, mais la tendance parait peu contestable selon les données corrigées publiées par eurostat.
 
C’est ce que l’on peut observer dans le tableau que je présente ci-dessous et qui reproduit les données d’eurostat.
 
 
Janvier 2006
Février 2006
Mars
2006
Avril
2006
Mai
2006
Juin
2006
Juillet
2006
Août
2006
Sept
2006
Oct
2006
Nov
2006
Déc
2006
Jan
2007
Fév
2007
Chiffres corrigés
 
9,7%
 
9,7%
 
9,7%
 
9,6%
 
9,6%
 
9,5%
 
9,4%
 
9,3%
 
9,2%
 
9,2%
 
9,1%
 
9%
 
8,9%
 
8,8%
Chiffres initiaux
 
9,5%
 
9,5%
 
9,4%
 
9,3%
 
9,2%
 
9,1%
 
9 %
 
8,9%
 
8,8%
 
8,7%
 
8,6%
 
8,5%
 
8,4%
 
nd
 
On observe qu’entre janvier 2006 et janvier 2007, le taux de chômage aurait baissé selon eurostat de 9,7% à 8,9% et non de 9,5% à 8,4%. La baisse serait donc 0,8 point et non de 1,1 point.
 
Dans la presse, on pouvait lire hier et aujourd’hui (cf. liens ci-dessous) ces déclaration du service de presse d’eurostat :
 
« L'Office européen de statistiques a recalculé le chômage français sur plusieurs mois, aboutissant à une révision "en hausse de 0,4 à 0,5 point" des chiffres depuis mai dernier.    
Une révision drastique. Utilisant les données de l'enquête sur l'emploi dont l'Insee a récemment décidé de différer la publication à l'automne prochain, l'office européen des statistiques Eurostat a recalculé ses statistiques récentes sur le chômage en France. Conclusion : le taux de chômage a atteint 8,8% en février, contre 8,4% annoncé par son homologue française. De même, le taux de janvier a finalement été de 8,9%, contre 8,4% annoncé précédemment par Eurostat. Des révisions "en hausse de 0,4 à 0,5 point les chiffres du chômage depuis mai 2006" ont été obtenues, a expliqué à l'AFP le responsable du service de presse d'Eurostat Philippe Bautier. "L'enquête est utilisable", a-t-il estimé, et elle présente "plus de fiabilité" que les chiffres fournis par les "sources administratives" - ANPE, par exemple -, a précisé Philippe Bautier. »
 
« Pour arriver à ces nouveaux chiffres, Eurostat s’est appuyé sur l’enquête emploi dont l’Insee a différé la publication à l’automne. Cette enquête publiée en principe chaque année au printemps permet à l’institut français de recaler définitivement les chiffres publiés tous les mois.
 L’Insee, qui a pris acte vendredi des données d’Eurostat, avait pourtant expliqué que cette année il ne pouvait publier cette enquête à la période habituelle parce qu’il jugeait les chiffres « incohérents ». Mais Eurostat ne partage pas cet avis : « L'enquête est utilisable », et elle présente « plus de fiabilité » que les chiffres fournis par les « sources administratives » (ministère de l’Emploi et ANPE en France, ndlr), a précisé le chef de son service de presse Philippe Bautier. »
 
 
 
Je me demande, vraiment, si tout ce tintamarre en vaut la peine en ce moment. La période précédent une élection majeure est suffisamment courte pour ne pas perdre notre temps à polémiquer sur des sujets secondaires.
 
Il faudrait plutôt faire feu de tous bois pour que les candidats discutent sur le fond des sujets fondamentaux pour l'avenir de l'économie et de la société.
 
N'est-ce pas à cela que doit servir la démocratie, en priorité ?
 
La question de l’indépendance statistique reste importante, mais il sera bien temps de la traiter sérieusement après les élections.
 
Sources:
 
 
 
 
Eurostat : Euro-indicateurs, communiqué de presse du 30 mars 2007
 
Eurostat évalue le chômage français à 8,8% fin février La Tribune.fr  30/03/07
 
La baisse du taux de chômage unanimement critiquée LEMONDE.FR  30.03.07
 
Après la polémique sur l'Insee, le gouvernement devrait annoncer un taux de chômage à 8,4 % en février LEMONDE.FR avec AFP  29.03.07 
 
Polémique sur le taux de chômageElsa Mignani - D Pellecuer. Publié le 30 mars 2007 http://www.lefigaro.fr/devises/20070330.WWW000000411_polemique_sur_le_taux_de_chomage.html
 
Bruxelles corrige sensiblement les chiffres du chômage françaislefigaro.fr (avec AFP). Publié le 30 mars 2007
 
L’indépendance de l’Insee revient dans le débatMarie VISOT. Publié le 30 mars 2007
11 mars 2007 7 11 /03 /mars /2007 18:05
« La connaissance des faits et leur exploitation statistique sont les meilleures armes
contre l’autosuggestion et les discours démagogiques. »
 
Pierre Cahuc et André Zylberberg, »Le chômage, fatalité ou nécessité ?
 
Je voudrai montrer dans ce billet que je prends très au sérieux la question statistique posée par la polémique autour des chiffres du chômage car sans estimation statistique indépendante et fiable, nous n’avons pas de référence pour l’action. Je ne néglige aucunement les débats sur les statistiques et sur les enseignements qu’on peut en tirer. Il suffit de lire les billets relatifs aux différents débats sur le chiffrage des programmes des candidats à l’élection présidentielle. Cela étant, je souhaite également montrer qu’à trop se concentrer sur la « vérité » révélée par les statistiques, on risque de passer à coté de l’essentiel. La « Vérité » est ailleurs, en partie dans l’au-delà des statistiques, dans ce que les statistiques ne peuvent appréhender comme les enjeux, les priorités, l’échelle des valeurs…
 
Politique et statistiques, des relations difficiles
 
Cet épisode malheureux sur les chiffres « actualisés » du chômage tend à montrer que les dirigeants politiques peinent à faire un usage fidèle des statistiques sur lesquelles ils peuvent fonder un diagnostic de leurs actions passées et à partir desquelles ils peuvent se fixer des objectifs réalistes pour construire l’avenir.
 
Les « faits » révélés par les statistiques peuvent faire peur et prendre à rebours les convictions et impressions de nos dirigeants. Dans ces conditions, on peut se trouver dans des situations ubuesques comme celle que nous connaissons en ce moment à propos des « vrais » chiffres du chômage.
 
Cette affaire m’en rappelle une autre, vielle de dix ans et non moins importante. Cette dernière fut différente en partie par la nature des travaux dont l’officialisation fut retardée mais reste proche quant aux rapports entre le pouvoir politique et les « vérités » statistiques que les dirigeants souhaitent connaître mais qui peuvent devenir gênantes.
 
« Chômage : le cas français », 1996
 
Le 18 février 1996, le Premier Ministre Alain Juppé demande à Henri Guaino, Commissaire au Commissariat général du Plan, un rapport sur le chômage en France.
 
Il lui adresse le message suivant dans la lettre de mission :
 
__________________________________________________________________________
« Le Gouvernement s'est donné pour priorité défaire reculer le chômage dont la progression met en péril la cohésion sociale. D'ores et déjà de nombreuses mesures ont été décidées et mises en œuvre pour atteindre cet objectif.
Il m'apparaît néanmoins que la nature du chômage français n'est pas aujourd'hui cernée avec suffisamment de précision, que les données qui nourrissent le débat sont incomplètes et que leurs interprétations sont souvent contradictoires.
C'est pourquoi, j'ai décidé de vous confier la mission de rassembler d'ordonner et d'expertiser toutes les informations statistiques et les analyses permettant d'éclairer les spécificités du chômage français.
Vous associerez à votre réflexion un groupe restreint de spécialistes de haut niveau. Pour mener à bien votre mission vous recevrez le concours de toutes les administrations de l'Etat et de tous les organismes publics chargés de recueillir et d'analyser les données relatives à l'emploi et au chômage,
Je souhaite que vous puissiez me remettre votre rapport à l'été… »
_________________________________________________________________________
Henri Gauino s’est donc attelé à la tache et a rédigé avec Jean-Paul Fitoussi, Jacques Freyssinet et Robert Castel, un rapport intitulé « Chômage : le cas français », remis au premier ministre durant l’été 1996.
 
Devant le diagnostic dressé par ces experts reconnus, la publication du rapport « aurait » été reportée (je veux rester prudent, pourtant…) par les demandeur du rapport et leurs successeurs à Matignon, lesquels en découvrant le rapport et son diagnostic ne se sont pas précipités pour en faire une base de leur diagnostic de départ.
 
Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi des dirigeants politiques, au service de la nation, ont-ils pu faire aussi peu de cas d’un tel diagnostic sur la situation du chômage en France ?
 
En résumé, voilà ce que nous disait ce fameux rapport :
 
_________________________________________________________________________
« La situation de près de 7 millions de personnes est directement affectée d'une façon ou d'une autre et plus ou moins gravement par l'évolution de l'emploi. Près de 7 millions de personnes sont touchées plus ou moins fortement par les difficultés de l'emploi. »
 
« On ne peut pas obtenir le nombre de personnes touchées par les difficultés de l'emploi, par la simple addition des populations énoncées précédemment. En effet, les différentes catégories se recoupent partiellement. Ainsi, les CES appartiennent à la catégorie du temps partiel subi, à la catégorie des contrats atypiques et à la précarité subie. De même on retrouve des personnes à temps partiel involontaire dans la catégorie des personnes subissant la précarité de l'emploi.
 
Ainsi, afin de déterminer le nombre de personnes en difficultés d'emploi, il convient de supprimer les doubles comptes. Ce sont près de 7 millions de personnes qui sont touchées par les difficultés de l'emploi. Ce chiffre est bien sûr une approximation qui a pour objet de fournir un ordre de grandeur.
 
À partir de toutes les données disponibles, on peut construire les différents indicateurs de la situation de l'emploi, du plus restrictif au plus large.
 
3 millions de personnes sont des demandeurs d'emploi à la recherche d'un emploi et immédiatement disponibles.
 
À cette population, s'ajoutent 350 000 personnes en formation qui sont des demandeurs d'emploi effectifs bien que non disponibles immédiatement, non pas parce qu'ils ont une activité mais parce qu'ils suivent une formation dans l'objectif de mieux correspondre à l'offre de travail.
 
5 millions de personnes souhaitent travailler davantage soit parce qu'elles n'ont pas d'emploi, soit parce qu'elles veulent travailler plus longtemps.
 
5,5 millions de personnes veulent travailler ou travailler davantage mais ne cherchent pas forcément un emploi soit parce qu'elles sont découragées, soit parce qu'elles ne le peuvent pas.
 
6,7 millions d'adultes en âge de travailler, dont 467 000 en retrait anticipé d'activité, subissent les conséquences de la dégradation de la situation de l'emploi.
 
Et ce chiffre qui est sans doute sous estimé, du fait des incertitudes sur la précarité subie, ne tient pas compte de l'environnement familial immédiat évidemment directement concerné par la situation des autres membres du ménage. Bien sûr, la situation des préretraités est généralement favorable et n'est en rien comparable à la situation des autres catégories citées ici. En toute rigueur, il n'aurait fallu prendre en compte, si le calcul avait été possible, que les préretraites subies. Mais il aurait fallu aussi mesurer le nombre de ceux qui sont condamnés à occuper un emploi sous-qualifié par rapport à leur formation et qui n'appartiennent pas déjà aux catégories du "temps partiel subi" et de la "précarité subie".
 
Au total l'ordre de grandeur est sans doute plutôt sous-estime que surestimé.
 
L'évolution dans le temps de ces différents indicateurs, à partir de données reconstituées, montre que le nombre de ceux qui subissent la dégradation de la situation de l'emploi augmente sensiblement plus vite que le chômage. En fait, la dégradation de la situation de l'emploi se traduit par un effritement général du travail qui va de la perte de l'emploi pure et simple jusqu'au chômage déguisé en passant par le temps partiel subi et l'insécurité croissante de la relation de travail.
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A la lumière ce cet épisode historique, que peut-on retenir pour analyser la situation présente ?
Les enseignements sont probablement multiples. J’en retiendrai quelques-uns seulement.
 
D’abord, ce rapport pointe de manière très claire les écarts entre définitions étroite et large du chômage. Est-il à l’origine d’une volonté d’approfondir cette question ?
 
En tout cas, en m’appuyant sur la « Note Lasaire » intitulée « Controverses sur les chiffres du chômage » et rédigée en février 2007 par Jacques Freyssinet, nous pouvons dresser un bilan comparable pour fin 2005.
 
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En 1999, la CGT entame la publication d’indicateurs statistiques de l’emploi (disponibles depuis juin 1995) dont deux constituent des mesures élargies du chômage :
- le sous-emploi mesure les ressources de main-d’œuvre inutilisées : chômeurs BIT, chômeurs découragés, temps partiels contraints, préretraites liées à des suppressions d’emploi ;
- les exclus économiques du travail salarié (EETS) réunissent, outre les demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE, diverses catégories de bénéficiaires de dispositifs de la politique de l’emploi, ainsi que les bénéficiaires du RMI29.
 
Le tableau 6 met en relation chômage BIT, DEFM et EETS. Les écarts entre définition étroite et définition large sont du même ordre de grandeur que ceux calculés par ACDC (voir ci-après), mais la composition est sensiblement différente. 
 
Tableau 6 – Du chômage BIT aux EETS
 
(décembre 2005, en milliers)
 
1. Chômeurs au sens du BIT
 
2 622
2. DEFM 1, 2, 3, 6, 7 et 8 (CVS)
 
3 721
3. DRE (disp. rech. emploi)
 
409
4. Préretraites)
 
55
5. Demandeurs d’emploi en stage
 
130
6. CES+CAE+C acc. E
 
146
7. RMI non inscrits à l’ANPE
 
725
8. EETS
 
5 186
 
(…)
 
Dés 1996, CERC-Association propose une évaluation du nombre de personnes privées d’emploi. Cette évaluation réunit, les DEFM (toutes catégories) et les DRE, les chômeurs en formation et conversion, les personnes en TUC, CES ou assimilés, et les préretraités.
 
(Enfin),
 
Dans la filiation directe de cette démarche, le Collectif ACDC « Autres chiffres du chômage », créé fin 2006, a fourni (Collectif ACDC, Les chômages invisibles, 27 décembre 2007) un chiffrage des « chômages invisibles » en septembre 2006. Le volume total (2,3 millions) est supérieur à celui des DEFM 1 à la même date (2,1 millions).
 
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Il y a donc un écart important entre les mesures étroite et élargie du chômage.
 
Dans ces conditions, je me demande comment certains peuvent-ils faire référence aux mesures élargies du chômage et, dans le même temps, centrer le débat sur la mesure étroite du chômage par l’Insee ?
 
Ensuite, y a t-il eu un grand débat pendant la campagne législative de 1997 à partir du diagnostic statistique établi dans ce rapport à la demande du pouvoir en place ? Je ne le crois pas. Les successeurs ont-ils fait grand cas de ce même diagnostic ? Je ne le crois pas non plus.
 
Un rapport officiel n’a donc pas été exploité comme il aurait du l’être ni par les uns, ni par les autres. Pourtant, à l’époque, le problème du chômage était d’une toute autre ampleur que ce qu’on observe aujourd’hui.
 
Ce que j’expose, ici, pourrait donner corps à ce que je nomme la « théorie du complot ». En ce qui me concerne, je pencherai plutôt pour une démission, une résignation, un manque de courage de la part de nos dirigeants face à l’ampleur du problème. Comme ils ne savent pas comment faire, on voit s’empiler depuis 25 ans, des formes d’emplois aidés aux figures multiples (quelle imagination débordante…), mais finalement, le marché du travail est toujours malade.
 
En résumé, ces brefs rappels sur le chômage mesuré au sens étroit et sur le « halo » du chômage montre que la mesure étroite du chômage, au sens du BIT, nous renvoie qu’une image fragile de l’étendue du problème. Cette donnée, le nombre de chômeurs au sens du BIT, ne permet de comptabiliser que 50% maximum des personnes touchées par le chômage.
 
Dans ces conditions, si on focalise notre attention exclusivement sur le chômage- BIT, mesuré par l’Insee, on ne perçoit que la partie visible de l’iceberg et on perd de vue ce qui se voit moins, c'est-à-dire toutes les situations qui se trouvent au frontière du chômage mais non au frontière du réel et qui méritent d’autant plus notre attention qu’il ne s’agit pas chiffres à la virgule prés.
 
Un taux de chômage à 8,6% de la population active en janvier 2007 ?
 
La vérité est ailleurs !
 
En janvier 2007, la décision initiale de l’Insee de reporter à septembre, soit après les scrutins présidentiels et législatifs, la publication des chiffres du chômage corrigés à partir de l’enquête emploi suscite de nombreuses réactions passionnées mais néanmoins fondées sur de solides arguments.
 
On peut, en effet, légitimement s’interroger sur les raisons qui ont poussé l’Institut national de la statistique à faire un tel choix à un moment aussi crucial pour le débat démocratique car depuis l’introduction de l’enquête en continu à partir de 2003, la publication avait lieu en mars chaque année.
 
La pertinence de la mesure du chômage par l’Insee, selon les critères du BIT, et la fiabilité de l’enquête emploi en tant qu’instrument de mesure ne se posent pas davantage en 2007 que les années précédentes.
 
Que vaudrait une démocratie dans laquelle les bases statistiques du débat seraient biaisées et suspectes ?
 
Comme de surcroît, les explications de l’Insee et de la Dares devant le Conseil national de l'information statistique (CNIS) n’ont pas vraiment convaincu, cela ne fait que renforcer le doute et la suspicion. Il n’y aurait pas de problèmes méthodologiques inédits empêchant la publication des chiffres corrigés comme chaque année à cette époque.
 
Enfin, étant donné que le chiffre du taux de chômage au sens du BIT, de 9,8 %, source de toute les polémiques et publié à partir d’une note anonyme, serait bel et bien le chiffre non publié officiellement et reporté, les interrogations se multiplient.
 
Comme l’a dit Eric Maurin sur son blog : « Au final, une fois le brouillard dissipé (…) le chômage s’élève en moyenne à 9,8% dans l’enquête Emploi en 2006, soit exactement le même taux qu’en 2005 (aucune baisse donc, ni petite ni grande) (…). Tout le baratin gouvernemental sur la réussite des dispositifs bidules et des contrats machins tombe à l’eau. »
 
Cet épisode conforterait l’idée selon laquelle « La statistique publique est désormais complètement manipulée, manipulation d’autant plus sûre d’ailleurs que le pouvoir n’a même plus besoin d’exercer de censure directe : l’autocensure œuvre d’elle-même. » selon Eric Maurin.
 
L’auteur, par ailleurs chercheur, en déduit que « La place de la statistique publique et de l’évaluation des politiques publiques devrait être un enjeu majeur dans cette présidentielle. »
 
Là, je ne suis pas d’accord !
 
Certes, le statut d’indépendance de la statistique publique devrait être gravé dans le marbre des principes fondamentaux de la démocratie.
 
Mais je ne crois pas qu’à six semaines du premier tour des élections présidentielles, cela puisse être un enjeu majeur de cette élection. Je vais m’en expliquer.
 
S’il est des enjeux majeurs, celui-ci n’en fait pas partie de mon point de vue. Le débat doit d’abord porter sur les questions de fond : le chômage dans une mesure étroite, ce qu’on considère comme le « halo » du chômage, les inégalités économiques et sociales cumulées qui peuvent en découler….
 
Que peut-on attendre des politiques, dans l’immédiat, sur cette question sérieuse d’indépendance de l’Insee… ? On ne peut récolter que des promesses, encore des promesses ! Rien de plus. Alors, engageons le débat sur les vrais problèmes relatifs au chômage.
 
Où sont les urgences sociales?
 
Au cours des six semaines à venir, est-il plus urgent d’avoir des assurances sur l’indépendance future des statistiques publiques ou bien est-il plus urgent de demander aux candidats de nous présenter un programme complet et cohérent de lutte contre le chômage et tout le cortège de difficultés qui s’inscrit dans son sillage ?
 
Peut-être pourrions nous aller demander aux principales victimes des problèmes économiques et sociaux ce qu’ils en pensent ?
Que souhaitent les SDF, aidés par les associations comme « Les enfants de Don Quichotte » ? Que pensent-ils de l’énervement, de l’écoeurement… des chercheurs en économie et des professeurs de sciences économiques et sociales, à propos de la polémique statistique sur le taux de chômage entre 8,6% et 9,8% ?
Qu’en pensent les chômeurs de longue durée, les chômeurs découragés, les travailleurs qui sont en situation de sous-emploi… ?
 
L’urgence, est-elle dans l’indépendance immédiate ou annoncée pour dans quelques mois de l’Insee ou bien se trouve-t-elle dans l’exigence de réponses immédiates et durables à leurs problèmes ?
 
Je n’aime pas que la démocratie et le débat soient biaisés par les statistiques( non) publiées, mais l’ampleur de l’erreur, 1 point au niveau du taux de chômage et environ 250 000 chômeurs de plus dans une mesure étroite (halo non compris), ne change « presque » rien à l’ampleur du problème.
 
A 2,2 millions ou à 2,5 millions de chômeurs, pour être large, le chômage au sens du BIT reste un problème massif.
 
Conformément à ce que nous avons vu plus haut pour l’année 1996, il y aurait en France, à la louche, en 2007 environ 5 millions de personnes directement affectées d'une façon ou d'une autre et plus ou moins gravement par l'évolution de l'emploi.
 
Alors, quand on vient m’expliquer que si la mesure du chômage (Insee-BIT) est tronquée, on ne dispose pas d’une base assez solide pour prendre les décisions adaptées et qui s’imposent, je reste perplexe, dubitatif. Quand on sait comment se mesure le chômage, peut-on considérer qu’une « pièce essentielle pour proposer une évaluation objective de la politique gouvernementale est soustraite au débat public » ? Que je sache, on ne nous a pas dit que le taux de chômage était tombé à 5 % et que le nombre de chômeur était d’environ 1,2 millions.
 
Toute cette polémique qui repose sur ce que j’ai nommé la « théorie du complot », au sens ou il y aurait à l’origine de ce report une volonté du gouvernement de la république, n’a pas la place qu’elle devrait occuper aujourd’hui dans la hiérarchie des priorités, des urgences.
 
Il faut certes mettre le sujet sur la table des discussions mais concentrons d’abord nos énergies sur les questions de société qui vont engager l’avenir des générations présentes et futures.
 
Quelques sujets incontournables de débat
 
Demandons et exigeons des programmes cohérents et pertinents en ce qui concerne la croissance économique, l’emploi et le chômage, les inégalités de revenus, la place des entreprises dans la dynamique économique, la dette publique, les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires, les contraintes et les perspectives liées à la construction européenne et la mondialisation, les moyens technologiques nécessaires à la protection de l’environnement et au développement économique, humain et durable… …. 
 
Avez-vous entendu des débats vraiment argumentés sur ces questions, en présence des candidats susceptibles de se retrouver au second tour et donc d’être élus ?
 
Il me semble que tous ces sujets sont le plus souvent évoqués dans le désordre, sans grande cohérence et restent peu développés.
 
Oui, « le débat lancé par Eric Maurin sur l’autonomie de la statistique publique me parait très opportun et salutaire. » mais pas maintenant ! Il sera bien temps de s’adresser à la nouvelle majorité en place pour traiter ce problème secondaire par rapport à ceux que j’ai évoqué. Le débat sur l'impartialité, la neutralité, l’objectivité des diagnostics des organismes statistiques publics aura lieu, c’est certain, mais dans quelques mois. Il ne s’agit pas de se taire devant une éventuelle manipulation statistique et tout ce que cela peut impliquer. De plus, il sera désormais possible de faire une exploitation économique et politique des nouveaux chiffres, non encore officiels, du chômage contre ceux qui sont à l’origine de cette erreur stratégique et de la polémique actuelle.
 
Pour conclure, je dirais : à chacun de choisir ses priorités, à chacun de hiérarchiser les urgences du moment.
 
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Sources :
 
Jacques Freyssinet, « Note Lasaire », « Controverses sur les chiffres du chômage » février 2007
 
Eric Maurin, Chômage : sueurs et contorsions au Conseil de la Statistique
 
Mes autres autres billets sur Emploi et chômage.
 
 
 
 
 
9 mars 2007 5 09 /03 /mars /2007 18:39
Commentaires sur un billet récent
 
 
 
 
 
Chômage : sueurs et contorsions au Conseil de la Statistique,
 
Par Eric Maurin
 
 
 
Il me semble, Eric Maurin, que ta réaction est excessive. Certes, c’est une bien mauvaise stratégie de la part de l’Insee d’avoir tenté ce report. Mais je ne partage pas l’hypothèse de la "théorie du complot".
Si, néanmoins tu avais raison, ce serait tellement lamentable et nul que cela ne vaudrait même pas la peine de s’énerver car cela ne changera pas ce qui s’est produit. Mais comment savoir s’il y a eu volonté manifeste de cacher ces chiffres ? Libre à chacun de se faire son opinion.
 
Moi, ce qui me dérange vraiment, c’est qu’en focalisant le « débat », sur le chômage et plus généralement sur l’état du marché du travail, sur cette question qui relève davantage de la polémique que du débat d’idées, on perd de vue les vrais questions, les vrais problèmes.
 
Et comme je l’indiquais dans un billet précédent ici :
 
 
« Dans l’hypothèse ou la correction envisagée par les « auteurs anonymes » et celle d’ACDC, serait plus proche de la réalité de la baisse du chômage, il faut bien admettre que 200 000 chômeurs de plus ou de moins ne change pas grand-chose au paysage observable sur le marché du travail.
(…)
Nous nous trouverions toujours très loin du plein emploi. Et c’est cela qui compte davantage me semble-t-il. A 200 000 prés, les chemins qui nous mèneront vers le plein emploi ne seront pas très différents. Si un programme de retour au plein emploi est efficace, il le sera à plus ou moins 200 000 prés. »
 
Si le « vrai » taux de chômage est de 9,8%, cela fait une différence de 250 000 chômeurs, environ…
 
Dans tous les cas, on reste dans une situation de chômage de masse avec tout le cortège de contrats précaires et d’inégalités que cela implique.
 
Là est le vrai problème. Et c’est des différents projets de lutte contre le chômage de masse et ses conséquences multidimensionnelles que nous devrions surtout discuter. Les débats doivent porter là-dessus au cours d’une campagne présidentielle !
 
Cela ne signifie pas que nous ne devons pas pointer les écarts de notre appareil statistique, mais la "théorie du complot" ne me parait pas la meilleure manière de procéder. Je ne crois pas que le catastrophisme soit constructif. On sait ou certaines pratiques politiques catastrophistes, fondées sur les peurs, ont conduit en 2002. C’est, en gros, mon avis et je sais bien qu’il est discutable.
8 mars 2007 4 08 /03 /mars /2007 14:46
Commentaire 1 
 
« Mutations et reconversions des salariés: le désert français »
Olivier Bouba Olga
 
 
La Campagne Déchiffrée : nouveau billet
 
 
 
Bonjour Olivier Bouba-Olga,
 
Ton papier est vraiment intéressant. Il suscite une réaction de ma part car j’ai invité Pierre Cahuc, le 9 janvier pour une conférence devant 350 élèves à Pontault-Combault, afin qu’il explique aux élèves le fonctionnement du marché du travail.
 
Tu n’es pas sans savoir que les travaux de Pierre Cahuc s’appuient sur une approche dynamique du marché du travail
(des explications ici : Appariements sur le marché du travail, Flux d’entrée et de sortie de l’emploi http://democratieetavenir.over-blog.com/2-categorie-1067038.html et ici:
Compte rendu de la conférence http://democratieetavenir.over-blog.com/4-categorie-1067038.html ), en termes de flux.
 
Selon cette approche, pour faire court, il est inefficace d’empêcher le processus de destruction créatrice d’emplois, les réallocations d’emplois et la recomposition du tissu productif.
 
Il me semble que l’approche que tu proposes dans ton billet rejoint ce point de vue et s’inscrit dans la même perspective, même si tu ne traites pas exactement le même sujet.
 
En effet, tu écris ceci : « La thèse que je défends est tout autre : tout ne part pas, mais tout se transforme.
Non pas seulement en raison, d’ailleurs, du processus d’approfondissement de la mondialisation, mais aussi en raison du changement technique, qui produit des effets de substitution entre capital et travail, d’une part, entre capital humain (travail qualifié) et travail peu qualifié, d’autre part. (…) On peut bien sûr s’opposer à cette transformation. De la même manière, on aurait pu s’opposer à la transformation de l’économie au moment de la révolution industrielle : 90% de la population travaillerait encore dans le secteur de l’agriculture… On peut aussi décider d’anticiper les mutations et d’accompagner les personnes (travailleurs peu qualifiés) et les territoires (régions périphériques) les plus exposés (j’ai évoqué des pistes dans mon billet précédent).
Or, ce travail d’anticipation et d’accompagnement est mal fait…. »
 
Tu reconnais, comme lui, que les politiques d’accompagnement sont inefficaces dans leurs formes actuelles.
 
Je te demanderai donc, quelles sont les moyens susceptibles de remédier à ces difficultés d’accompagnement des salariés quand pour des raisons technologiques (et en raison des effets de la mondialisation), le processus de destruction créatrice produit ses effets et exige des réallocations d’activités et d’emplois ?
 
Comment cordonner les actions et partager les responsabilités des entreprises et de l’Etat dans ce domaine ?
 
David Mourey
 
 
Commentaire 2
 
Le chômage est-il volontaire?
Eric Maurin
 
 
 
Bonjour Eric Maurin,
 
Tout d’abord, je tiens à préciser que j’apprécie souvent tes analyses et tes remarques.
 
Cependant, pour être bref, tu sembles nier l’existence d’une « frange » de chômage volontaire.
Quelle est la solidité de ce type d’affirmation ?
 
Je ne partage pas l’avis de ceux qui pensent qu’une grande partie du chômage peut avoir une origine volontaire. Cela étant, je n’arrive pas à renoncer à cette possibilité.
 
Il est évident qu’on ne peut pas expliquer le chômage de masse durable par le chômage volontaire, mais de là à en déduire que cela relève de la chimère….
 
Tu dis que : « Le concept de « making work pay », (…) horripile en revanche tous ceux pour qui aucun chômeur pris individuellement ne peut être tenu pour responsable des déséquilibres macro-économiques, des évolutions technologiques ou des discriminations qui le privent d’emploi et rendent sa recherche de travail complètement vaine. »
 
C’est assez facile de dire cela. Cela parait évident. Mais ce n’est pas parce que je ne peux pas contrôler tous les paramètres du monde qui m’entoure, que je considère que je ne suis responsable de rien et que je ne peux pas faire de choix.
 
Enfin, que proposes-tu comme « un instrument de lutte contre le sous-emploi de masse » ?
 
Cela existe-t-il un instrument de lutte contre le chômage de masse.
 
Sur les moyens de lutter contre le chômage, des comptes rendus de débat,
 
 
- Symbolique et fétichisme des chiffres
 - Débat sur l'Emploi le 26 02 2007 
- « Comment retrouver le plein-emploi ? »
- Appariements sur le marché du travail
- Conférence de Pierre CAHUC
- De l’importance du débat dans une démocratie moderne
 
David Mourey  
7 mars 2007 3 07 /03 /mars /2007 15:52
 Quelle baisse du chômage ?
 
Depuis que l’Insee a décidé de reporter au mois de septembre 2007 la publication des chiffres corrigés du chômage à partir de l’enquête emploi, la polémique autour de la véritable ampleur de la baisse du chômage observée en France, depuis mi 2005, ne cesse d’enfler.
 
Hier, le quotidien « Le Monde » a publié les résultats des calculs de trois experts, deux administrateurs de l'Insee et un salarié syndicaliste de l'ANPE, selon lesquels le taux de chômage en France serait plus proche de 9,5% à la fin 2006 que de 8,7% comme annoncé de concert par l'Insee et le ministère du Travail.
 
Les résultats des calculs des auteurs apparaissent, selon le journal « Le Monde » dans une note anonyme qui a été transmise au journal et à plusieurs économistes par internet.
 
Le taux de chômage serait de près de 1 point supérieur, 0,8 point exactement, au chiffre annoncé par l'Insee et le ministère du Travail. Cette correction des chiffres du chômage correspondrait à l’équivalent d’environ 200 000 demandeurs d'emploi supplémentaires.
 
L’ampleur de la diminution du chômage depuis le milieu de l’année 2005 se réduirait comme une « peau de chagrin », si les chiffres « corrigés » par cette note anonyme sont vérifiés ultérieurement.
 
Le gouvernement ne pourrait plus se targuer d’avoir initié une baisse soutenue et durable du chômage et l’opposition aurait davantage de grain à moudre dans les débats  sur les effets de la politique de l’emploi de la majorité au pouvoir depuis 2002.
 
Depuis lundi 29 janvier, le collectif ACDC (« Les Autres Chiffres Du Chômage ») composé de chercheurs, de syndicalistes et d'associations de chômeurs, propose une révision « hard rock » (sic !) des statistiques du chômage.
 
Dans une note intitulée « Chômeurs et chiffres sous pression », ce collectif estime que la baisse du chômage s’explique davantage par les « sorties de liste » de l'ANPE que par les entrées dans l’emploi. Dans ces conditions, "sortir des listes signifie de moins en moins sortir du chômage".
 
Selon ACDC, les "radiations administratives", auraient augmenté de 39% par rapport à 2003-2004. Le collectif dénonce encore la hausse de 31 % des non-renouvellements "motivés" (chômeurs déboutés) et de 30 % les non-renouvellements "accidentels" (chômeurs dégoûtés).
 
Donc, selon ACDC, le report de la publication des données corrigées à une date ultérieure aux élections présidentielle, pourrait s’expliquer par la volonté manifeste des pouvoirs publics de masquer, pendant une période cruciale pour la démocratie, la vérité sur la baisse du chômage et sur les effets des politiques menées depuis au moins deux ans.
 
On en déduit aisément que l’annonce de la note « fantôme » apporte de l’eau au moulin de cette théorie du complot.
 
Sans, pour autant, porter de jugement définitif sur cette affaire parce que nous ne disposons pas de suffisamment d’informations, nous pouvons au moins prendre acte de cette éventualité.
 
Mais nous devons également tenir compte, dans un souci d’honnêteté du débat, de points de vue différents et plus nuancés sur cette affaire.
 
Ainsi, selon Matthieu Lemoine économiste à l’OFCE, les baisses du nombre de demandeurs d'emploi et du taux de chômage, ont été probablement d’une ampleur bien plus faible que ce que nous disent les données de l’Insee dont nous disposons pour l’instant.
 
Dans son article « Chômage : en attendant l’Insee » du Mardi 14 février 2007, issue d’une nouvelle série de notes publiées chaque mardi par l’OFCE et intitulée clair & net@ofce - une e-contribution des chercheurs de l'OFCE aux débats économiques et sociaux, Matthieu Lemoine montre qu’il « y a indéniablement une reprise de l’emploi : au total, l’année 2006 aurait enregistré 243 000 créations nettes d’emplois (compte tenu de la prévision fournie par l’Insee pour le quatrième trimestre), après 149 000 en 2005 »
 
« Ces créations nettes d’emplois suffisent-elles à expliquer la baisse du chômage (270 000 chômeurs de moins en 2006) ? Tout dépend du nombre d’actifs supplémentaires en 2006 » nous dit l’auteur.
 
M. Lemoine observe que « Le nombre d’actifs supplémentaires serait finalement d’environ 62 000 personnes et il faudrait donc autant de créations nettes d’emplois pour commencer à faire baisser le chômage (cf. tableau). Avec 243 000 emplois créés, le chômage aurait alors dû baisser de 181 000 personnes et non de 270 000 personnes. »
 
En milliers de personnes
2006
« Sur-baisse » du chômage (8) = (7) – (6)
54
Actifs supplémentaires en tendance (1)
-37
Effet net des départs anticipés à la retraite (2)
45
Reprises de la recherche d’emploi (3)
62
Actifs supplémentaires (4) = (1) + (2) + (3)
243
Créations nettes d'emplois (5)
-181
Baisse du chômage attendue (6) = (4) – (5)
-270
Baisse du chômage estimée par l’Insee (7)
-89
 
Ainsi, « La « sur-baisse » du chômage, de -89 000 personnes s’expliquerait principalement par les radiations et reclassements effectués par l’ANPE (voir les statistiques sur les inscriptions), dans le cadre de la politique d’accompagnement des chômeurs impulsée depuis la mi-2005 » nous explique l’économiste de l’OFCE.
 
Enfin, en guise de conclusion, Matthieu Lemoine nous dit que la combinaison de ces « trois effets pourraient avoir fait baisser le chômage de 81 000 personnes. Si ces personnes radiées ou reclassées sont toujours en recherche d’emploi, les prochains résultats de l’enquête emploi pourraient conduire à réviser le taux de chômage en décembre 2006 de 8,6 % à 8,9 % de la population active. (…) la baisse du chômage est vraisemblablement moins forte que ne l’indiquent les statistiques actuellement disponibles.»
 
L’ampleur de la correction estimée par M. Lemoine et l’OFCE est donc sans commune mesure avec celle évoquée dans la note « anonyme » et relayée par « Le Monde » et celle estimée par ACDC.
 
Entre la correction « Hard Rock » et la correction « Soft », laquelle est la plus pertinente ?
 
L’avenir nous le dira. Mais en attendant l’avenir, il nous faut bien vivre le présent. Et le présent doit être le moment privilégié de débat sur les « projets » qui permettent de mettre en perspective l’avenir et non le moment de la polémique exclusive sur des statistiques, lesquelles ne sont que le reflet « artefactuel » du passé.
 
Dans l’hypothèse ou la correction envisagée par les « auteurs anonymes » et celle d’ACDC, serait plus proche de la réalité de la baisse du chômage, il faut bien admettre que 200 000 chômeurs de plus ou de moins ne change pas grand-chose au paysage observable sur le marché du travail.
 
On passerait de 2 352 000 chômeurs fin 2006 à 2 552 000 toujours fin 2006.
Sort-on du chômage de masse à 200 000 prés ?
 
Nous nous trouverions toujours très loin du plein emploi. Et c’est cela qui compte davantage me semble-t-il. A 200 000 prés, les chemins qui nous mèneront vers le plein emploi ne seront pas très différents. Si un programme de retour au plein emploi est efficace, il le sera à plus ou moins 200 000 prés.
 
Nous pouvons et nous devons, certes, nous interroger sur la pertinence des statistiques que nous utilisons car nous en avons besoin, mais nous ne devrions pas nous tromper d’objectif. Et il est possible qu’a trop polémiquer sur les chiffres du chômage, nous perdions du temps à débattre des moyens lutter contre le chômage de masse, à 200 000 prés….
 
C’est peut-être pour cette raison que lors du débat sur l’emploi que j’ai organisé à Pontault-Combault le mardi 30 janvier 2007 et intitulé « Comment retrouver le plein-emploi ? », nous n’avons pas vraiment abordé avec les intervenants, Christian de Boissieu, Eric Heyer et Guillaume Duval, cette question qui relève ma semble-t-il, bien davantage de la polémique que du débat
 
En effet, avec un taux de chômage oscillant entre 8,6% et 9,4 %, le problème reste fort préoccupant malgré la baisse observable depuis mi 2005 et le plein emploi n’est pas encore à nos portes.
 
A lire :
 
Débat du 30 janvier 2007 : Comment retrouver le plein emploi ?
 
clair & net@ofce, Une e-contribution des chercheurs de l'OFCE aux débats économiques et sociaux
 
« Chômage : en attendant l’Insee »  par Matthieu Lemoine Mardi 14 février 2007
1 mars 2007 4 01 /03 /mars /2007 17:27
  France Culture
 
« L’économie en question »
 
Emission animée par Dominique Rousset
 
Lundi 26 février 2007
 
Spécial élections présidentielles
Les programmes économiques des candidats sous l’œil des experts -
 
Débat sur l’emploi
 
Invités
 
Jean-Paul Fitoussi
Professeur à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris
Président de l'OFCE.
 
Pierre Cahuc
Professeur d'économie à l'université Paris-I (Panthéon-Sorbonne)
Chargé de cours à l'École polytechnique
Chercheur au Centre de recherche en économie et statistiques (CREST).
 
Jean-Baptiste de Foucauld
Ancien commissaire au Plan
Inspecteur général des Finances
Président de l’association « Solidarités Nouvelles face au Chômage
 
Ici:
 
 
 
Introduction
 
 Yael Mandelbaum
 
« Retour aux classiques »
 
Adam Smith dans « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations », 1776, expose la doctrine selon laquelle le travail est source de la richesse et fondement universel de toute valeur d’échange 
 
« Dans le cas ou le nombre de bras augmente, il s’établirait une si grande concurrence pour le travail que les salaires seraient bornés à la plus chétive et à la plus misérable subsistance de l’ouvrier. Beaucoup d’entre eux, même à de si dures conditions ne pourraient pas trouver d’occupation. Ils seraient réduits à périr de faim ou bien à chercher leur subsistance en mendiant ou en s’abandonnant au crime jusqu’à ce que le nombre des habitants se trouva réduit à ceux qui pourraient aisément subsister par la quantité de revenu et de capitaux qui seraient restés et qui auraient échappé à la tyrannie ou à la calamité universelle »
 
Les mécanismes d’ajustement ont tendance à ramener les salaires à une sorte de minimum vital ou d’équilibre naturel.
 
David Ricardo, dans le chapitre 5 des « Principes de l’économie et de l’impôt » montre que les salaires convergent vers le minimum de subsistance
 
« Le travail est cher quand il est rare et il est bon marché quand il est abondant.  Cependant, quel que puisse être l’écart entre le prix du marché du travail et son prix naturel, comme pour les marchandises, son prix de marché a tendance à se conformer à son prix naturel»
 
Selon Pierre Cahuc, à partir de ces textes, on peut voir deux choses :
La loi de l’offre et de la demande s’applique au travail. On l’observe aujourd’hui encore. C’est un point fondamental pour compréhension du marché du travail.
Ce texte reste bien marqué par son époque. Ricardo vivait dans le cadre d’une démographie d’ancien régime. La surpopulation entraînait la baisse des salaires et la dégradation des conditions de vie avec une diminution de la population, via une hausse du taux de mortalité.
Nous sommes désormais sorti de cette démographie d’ancien régime et aujourd’hui les salaires augmentent avec la productivité du travail. Nous avons changé d’univers par rapport à celui que commentait Ricardo.
 
Pour Jean-Paul Fitoussi, la première citation d’Adam Smith s’apparente à du Malthus avant la lettre. On y observe la caractéristique de l’époque classique qui est la difficulté à penser le progrès des connaissances et du progrès technique car les thèses classiques étaient fondées sur l’avarice fondamentale de la nature, que l’on va retrouver désormais dans le mouvement écologique.
 
Karl Marx dans le Livre 1 de « Le Capital », 1867, montre que le chômage est une conséquence inéluctable du fonctionnement du système capitaliste.
 
Le capitalisme secrète sa propre loi de population qui consiste à produire une surpopulation relative croissante au fur et à mesure qu’il se développe et cette surpopulation relative est composée des personnes condamnées au chômage par la mécanisation de la production. Ces chômeurs constituent l’armée industrielle de réserve dans laquelle les employeurs peuvent puiser en cas de besoin et qui leur sert à peser sur les salaires.
 
« La surpopulation ouvrière forme une armée de réserve qui appartient au capital, d’une manière aussi absolue que s’il l’avait élevé et discipliné a ses propres frais »
 
 
John Maynard Keynes, dans une allocution radiodiffusée de 1931, intitulée « L’alternative, épargner ou dépenser », montre que la fonction de l’épargne est de rendre une certaine quantité de travail disponible pour la production de biens d’équipement tels que maisons, usines, routes, machines…, mais si un surplus de chômeurs est déjà disponible pour des emplois de ce genre, le fait d’épargner aura seulement pour conséquence d’ajouter à ce surplus et donc d’accroître le nombre de chômeur. En outre, tout homme mis au chômage de cette manière, ou pour toute autre raison,  verra s’amenuiser son pouvoir d’achat et donc provoquera à son tour un chômage accru parmi es travailleurs qui auront produit ce qu’il n’a plus les moyens d’acheter.
 
Selon  Jean-Paul Fitoussi, on retrouve ici le danger de la théorisation des circonstances. Une observation trop rapide de la crise de 1929 tend à faire croire que l’épargne est une mauvaise chose. Alors que l’on comprendra plus tard que c’est l’épargne qui permet la formation du capital et donc, qui permet la croissance.
 
Jean-Paul Fitoussi rappelle sa citation préférée de Keynes selon laquelle, les deux vices marquants du système capitaliste sont que le plein emploi n’est pas assuré et que la répartition des revenus et de la fortune manque d’équité. C’est un citation assez éternelle, dit-il.
 
 
Débats sur les programmes économiques des candidats
 
- Le plein emploi est-il possible ?
- Peut-on faire baisser le taux de chômage à 5% dans les 5 ans  à venir, en valorisant le travail ?
- Cette notion de valeur travail, défendue par les deux « principaux candidats », vous parait-elle nouvelle et importante dans cette campagne ?
 
Pour Jean-Baptiste de Foucauld, il y a un consensus général sur l’idée qu’il faut reconstituer la société du travail, que le chômage mine en profondeur la société et que, si le travail ne règle pas tout, le chômage dérègle tout. Mais il y a un doute sur comment passer de cet objectif réel, de retour au plein emploi, au retour effectif au plein emploi. Le problème est surtout : « comment retrouver le plein emploi ? »
 
[NB : C’était d’ailleurs le titre que j’avais choisi pour le débat du 30 janvier à Pontault-Combault.]
 
Jean-Baptiste de Foucauld note encore qu’il y a aussi consensus sur la nécessité d’améliorer la gouvernance européenne, que la politique monétaire et la politique de change posent des problèmes. Enfin, il y a consensus sur l’idée que la question écologique est importante et doit trouver ses modalités fiscales.
 
Mais il y a aussi « des points d’ accord négativement » dans la mesure ou les mots « chômage » et « demandeur d’emploi » ne sont pas des mots que les candidats aiment prononcer. On préfère parler du travail, c’est plus positif. La place des demandeurs d’emploi dans le débat social, sur leur propre réintégration dans la société, sur ce qu’ils ont à dire comme usagers, ces questions ne sont pas vraiment posées, par aucun des candidats.
 
Pour Pierre Cahuc, le constat de la crise de la valeur travail, lorsqu’on regarde les enquêtes d’opinion au niveau international, parait peu étayé. Les français apparaissent très attachés au travail relativement aux loisirs même par rapport à des pays comme les Etats-Unis. On est donc assez troublé car en regardant les performances du marché du travail français pour les personnes de 25-55 ans, on observe qu’elles ont le même taux d’emploi qu’aux Etats-Unis. On se dit alors que s'il y a crise du travail, elle est ciblée sur quelques catégories mais elle n’est pas générale. Il y a plutôt des problèmes liés à la qualité des relations professionnelles, à la vision de l’entreprise, à la vision des relations marchandes et du marché. C’est ce qui ressort des enquêtes menées au niveau international.
 
Jean-Paul Fitoussi reconnaît que parler de la valeur travail est une manière de ne point parler du chômage. Et la crise de la société française, c’est de ne pas être capable d’offrir du travail. Ce n’est pas que les individus ne souhaitent pas travailler. Le problème est celui de l’offre d’emploi et non celui  de l’offre de travail.
Il y a un certain nombre d’enquêtes réalisées au niveau international sur la valeur travail, dont une est réalisée par l’université du Michigan, et ces enquêtes montrent que les français, au travail, sont peu satisfaits. Ils veulent travailler mais ils tirent beaucoup moins de satisfaction de leur travail que les américains, que les scandinaves, et même que les anglais.
Edmund Phelps, le récent Prix Nobel d’économie et chercheur associé à l’Ofce depuis 20 ans, vient de publier un article évoquant cette question de la valeur travail.
 
Sur le retour à l’emploi
 
Ségolène Royale propose le revenu de solidarité active (RSA) afin d’encourager le passage du RMI au travail (idée avancée par Martin Hirsch). Il s’agit d’éviter la perte de revenu liée au retour à l’emploi.
François Bayrou propose le retour à l’emploi par une allocation unique par points en fonction de la situation des personnes composant le ménage et il propose une reforme et une simplification du système des « minima sociaux » en lui substituant un système par points.
Nicolas Sarkozy propose une assurance retour à l’emploi avec accompagnement dans la recherche d’emploi et un contrat unique de solidarité qui impliquerait pour le demandeur d’emploi des droits et des devoirs.
 
Jean-Baptiste de Foucauld montre qu’on a beaucoup de réponses mais il se demande quelle est la question ? Certes, il s’agit de revenir au plein emploi mais pourquoi la France a tant de mal à y revenir ?
La question du diagnostic sur les causes profondes du chômage en France est absente de la campagne. Or, la réponse est nécessairement fonction du diagnostic.
 
Jean-Paul Fitoussi est en accord avec Jean-Baptiste de Foucauld sur ce point : quelle est la question ?
Est-ce que le chômage de ceux qui disposent d’un revenu de solidarité résulte de leur absence de volonté de travailler ? Provient-il d’autres causes ? Provient-il d’un manque de volonté de travailler ou de l’inemployabilité de certaines personnes ?
Le diagnostic devrait être le plus étoffé possible avant d’avancer d’éventuelles solutions.
Il existe déjà des dispositions qui permettent de conserver le RMI, pendant une certaine période,  avant le retour à l’emploi. Certes, il convient de les simplifier et de les systématiser mais ce sont seulement des remèdes à des situations singulières mais pas nécessairement des remèdes à la question du chômage.
 
Pour Pierre Cahuc les diagnostics sont implicites. Il y a plusieurs causes au chômage. Si on résume, toutes les catégories de la population en France ont un taux de chômage relativement élevé mais les problèmes d’emplois sont surtout ciblés sur certains groupes socio-démographiques.
Par exemple, pour les personnes de 25-55 ans, qui ont le même taux d’emploi qu’aux Etats-Unis, le taux de chômage est nettement plus élevé. Donc en France, il y a un véritable déficit d’accompagnement des chômeurs, quel que soit le groupe d’age. On aide mal les chômeurs.
Les autres problèmes concernent la faiblesse des taux d’emploi, des taux d’activité, chez les jeunes et les seniors.
Pour augmenter le nombre d’emploi dans l’économie, il va falloir se focaliser sur ces problèmes d’emploi et d’activité. Malheureusement, il y a peu de propositions sur ces points.
 
Jean-Baptiste de Foucauld regrette l’interruption des emplois jeunes. Ce fut une erreur d’interrompre ce dispositif. Il est légitime de recentrer les efforts sur les jeunes les moins qualifiés. La proposition d’emplois tremplin est une bonne mesure.
De plus, les problèmes liés au retour au plein emploi mettent en évidence, surtout, un problème de cohérence globale des politiques de l’emploi.
 
Il faut surtout réfléchir à la coordination des décisions d’acteurs décentralisés, de consommateurs et de producteurs.
Soit, on laisse faire le marché et donc on laisse le marché coordonner les décisions. Soit, des institutions aident le marché à coordonner les décisions. Mais deux conditions sont alors nécessaires : il faut que  les institutions soient bien coordonnées entre elles et qu’elles soient bien coordonnées avec le marché.
 
En France les instituions aident mal le marché. Elles sont mal cordonnées entre elles (accompagnement des chômeurs, service pub de l’emploi…) et sont mal coordonnées au marché (droit du travail et marché, sécurité et flexibilité, ).
 
Il faut absolument savoir comment une mesure ponctuelle, même bonne en soi, va s’insérer dans un ensemble global de mesures. Quels vont être les effets sur les autres secteurs, les effets sur le coût du travail….
 
Pierre Cahuc rappelle que ces système de type TUC (travaux d’utilité collective,…, emplois jeunes…), existent depuis longtemps mais ne sont jamais évalués et ne permettent pas le retour à l’emploi stable. Le passage par ce type de mesure n’améliore pas les perspectives d’emploi des jeunes par rapport à ceux qui sont restés au chômage.
Il y a donc des problèmes importants de mise en œuvre de ce type de mesure.
Les programmes non ciblés ne sont pas bons, statistiquement, pour les jeunes qui passent par ces programmes.
 
De surcroît, en terme de cohérence globale, il y a un problème spécifique qui se pose aux jeunes. Le coût du travail plancher est trop élevé pour les jeunes non diplômés.
La solution passe par des mesures de baisse de charges ciblées pour les emplois marchands, accompagnées de programmes de formation très ciblés et qui doivent être évalués. Il faut mettre en œuvre des mesures spécifiques, ciblées.
 
Enfin, pour les seniors, c’est moins un problème de salaire minimum. C’est surtout un problème d’incitation à l’activité qui est en partie lié au système de retraite.
 
Jean-Paul Fitoussi pense que le droit à la formation professionnelle peut être positif. Mais cela dépend de la formation, de la cohérence et de la qualité du système de formation. Le rapport coût efficacité est important car la formation coûte chère.
 
Sur le problème de l’emploi des jeunes en particulier, il y a plusieurs entrées :
 
Il y a l’entrée coût, mais il y a surtout l’entrée reposant sur le constat selon lequel les employeurs ne veulent plus prendre le risque de la formation interne des jeunes.
Se pose alors le problème de la première expérience, lequel parait insoluble. S’il faut qu’un jeune ait de l’expérience pour être embauché une première fois mais qu’on ne lui donne jamais cette première expérience, il ne se passe rien.
 
Donc, des baisses charges ciblées et une certaine socialisation du salaire des jeunes seraient favorables mais tout en sachant que, comme l’avait dit Edmond Malinvaud, « le plein emploi des jeunes est une condition à celui des vieux. »
 
Sur les 35 heures
 
Pierre Cahuc pense qu’aujourd’hui, la situation de la législation, de la réglementation sur temps de travail est très complexe et reste assez peu appliquée. Il est important de simplifier cette législation en faisant jouer les  conventions collectives de branches pour respecter une certaine hétérogénéité, mais tout en maintenant un minimum de protection pour l’ensemble des salariés.
 
Il trouve intéressant de voir qu’on est passé de l’idée de partager le travail en travaillant moins à l’idée d'augmenter l’emploi en travaillant plus, grâce à une modification de la fiscalité des heures supplémentaires.
Mais il insiste sur le fait que les économistes sont plutôt très critiques sur une mesure visant à modifier la fiscalité des heures sup pour deux raisons :
En effet, lorsqu’on défiscalise les heures sup (on baisse le taux de prélèvement sur les heures sup), les salariés vont essayer de travailler plus et les entreprises vont être tentées de substituer des heures de travail à des postes de travail.
Pour autant, les entreprises peuvent aussi embaucher plus parce que cela coûte moins cher.
Il y a néanmoins un problème de financement de ce type de mesure, d’autant plus que l’effet sur l’emploi est ambigu.
 
Plus grave, si on réduit les prélèvements obligatoires sur les heures sup, on pourrait observer des déclarations d’heures sup fictives. Ainsi, à partir d’accords entre employeurs et salariés, on va cesser d’augmenter le salaire horaire et on va déclarer une augmentation fictive des heures sup.
C’est donc une très mauvaise idée !
 
Jean-Baptiste de Foucauld affirme qu’il ne faudrait pas passer d’une extrême à l’autre. La question du temps de travail doit être débattue collectivement. Les gains de productivité doivent pouvoir se convertir en temps libre supplémentaire si les gens le souhaitent.  L’approche par le temps choisi est certes plus individuelle mais dans une société d’individus libres et responsables, travailler plus pour gagner plus ou travailler moins pour gagner moins, devrait relever d’un choix. Il s’agit d’une liberté fondamentale.
Ce qui n’est pas le cas des heures sup, lesquelles ne peuvent pas être refusées par le salarié.
 
Il faut aussi lutter contre le travail à temps partiel imposé par les entreprises ou même par l’Etat qui, paradoxalement, propose de nombreux contrats d’insertion à temps partiel pour des durées courtes alors que la lutte contre l’exclusion exige le travail à temps plein pour des durées longues.
 
Il faut donc continuer à débattre collectivement du temps de travail mais également instaurer un droit au temps choisi qui n’est dans aucun programme.
 
Jean-Paul Fitoussi admet l’existence d’effets pervers et d’effets de substitution quand il s’agit de détaxer les heures sup. Il rappelle que c’est un vieux débat qui a déjà eu lieu dans les années 70. Il était alors question de détaxer la croissance de l’emploi. Il s’agissait de décharger de cotisations sociales la croissance de l’emploi ou la croissance de la production.
On retrouve ce débat.  
Les effets de substitution sont nuisibles à hausse de la productivité par personne employée et non de la productivité horaire qui est liée au progrès technologique.
Il y a, de surcroît, suffisamment de flexibilité (le contingent d’heures sup est rarement épuisé) pour augmenter le temps de travail. Mais il faut éviter de donner aux heures sup un statut fiscal particulier par rapport aux heures normales.
 
Abrogation du CNE et contrat unique
 
Selon Pierre Cahuc, les effets du CNE sont estimés à partir d’enquêtes de la Dares, reposant sur les déclarations des chefs d’entreprises qui disent s’ils auraient créé des emplois en l'absence du CNE.
A partir de ces enquêtes d’opinion, les effets sont très difficiles à chiffrer. Les effets estimés restent faibles par rapport aux attentes et au fait que 16,5 millions de personnes travaillent dans le secteur marchand en France.
Ceci étant, on observe une trop grande dualité du marché du travail aujourd’hui et cela est lié à l’existence d’un trop grand nombre de statuts différents.
Il faudrait s’orienter vers une situation plus homogène mais c’est un sujet très technique et très compliqué. Il faut, en effet, regarder dans le détail des mesures et simultanément avoir une vision d’ensemble en matière de rupture des contrats, d’accompagnement des chômeurs…
Or, ces perspectives n’apparaissent pas dans l’ensemble des programmes.
 
Jean-Paul Fitoussi s’interroge sur la comparaison des contrats de travail actuel et du contrat unique ou les droits croîtraient avec l'ancienneté. C’est la solution que Pierre Cahuc défend mais il se demande si ce contrat unique, ou les droits croîtraient avec l'ancienneté, ne serait pas le CDI ?
Comment mesurer l’ancienneté quand les changements de travail sont fréquents et comment mesurer l’acquisition des droits par rapport au travail?
 
En ce qui concerne la sécurité professionnelle, en référence au modèle danois en particulier, Jean-Paul Fitoussi montre qu’il existe deux grandes façons de protéger les salariés :
 
Soit, la protection et le coût de la protection incombent directement aux salariés et aux entreprises, soit la protection et le coût de la protection incombent aux contribuables. Cette dernière possibilité (Danemark) permet plus de flexibilité quand les entreprises en ont besoin.
Enfin, la sécurisation des parcours professionnels proposée manque de contenu. Quelle serait l’organisation effective et quelle serait la cohérence avec le système de financement et le droit du travail existant ?
 
Pour Jean-Baptiste de Foucauld, les problèmes du contrat de travail et de la sécurisation des parcours sont importants. Il relève que le CDD est relativement protecteur pour les personnes (il est difficile de licencier un salarié sous CDD) par rapport au CDI. Dans ces conditions, avant d’abandonner le CDD, il faut bien y regarder.
 
Sur le CNE Jean-Baptiste de Foucauld pense qu’avant de le supprimer, il faut aller au bout des évaluations. En effet, si on arrive à créer 30 000 ou 40 000 emplois en plus du flux normal de création d’emplois, et cela sans coûts supplémentaires,  si ce n’est le coût lié à la transformation de CDI en CNE.
Certes, la période d’essai est jugée trop longue (2 ans) par Jean-Baptiste de Foucauld et Jean-Paul Fitoussi.
De plus, pour les PME ou il n’existe pas de DRH et ou la peur des inspecteurs du travail  est élevée. Ssi le CNE peut déclencher des embauches, il ne faut pas s’en priver.
Enfin, Jean-Baptiste de Foucauld rappel qu’il faut évaluer avant de changer. Cela fait partie de la démocratie participative 
 
Délocalisations et aides conditionnées
 
Pour Jean-Paul Fitoussi, il y a des points communs entre les candidats sur les mesures annoncées mais personne ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. En effet, si les pays se mettent à jouer aux danseuses pour attirer les entreprises, ils ne peuvent pas reprocher à d’autres pays de danser mieux qu’eux.
Dans ces conditions, les délocalisations d’entreprises, attirées à coups de subventions et dans un jeu de concurrence fiscale et sociale, sont logiques. Et en retirant ces aides, on peut être certain que des entreprises ne viendraient plus s’installer. Aucune entreprise n’est assurée à long terme, sans stratégie de profit et de rentabilité.
 
Une telle situation ne peut être résolue qu’à l’échelle européenne avec l’établissement d’un code des aides publiques pour l’attraction des capitaux.
 
Pierre Cahuc reconnaît qu’il y a un problème de coordination internationale mais il y a aussi un problème de mise en œuvre parce qu’il reste très difficile de savoir pourquoi une entreprise délocalise. Il est très difficile de passer de la logique de la mesure à sa mise en œuvre. Il y aurait des coûts de contrôle exorbitants, et des effets pervers. Donc ces mesures lui semblent tout à fait irréalistes.
 
Recherche, innovation et aides aux entreprise innovantes
 
Pour Jean-Paul Fitoussi, l’aide aux entreprises innovantes pose aussi un problème de mise en œuvre et d’organisation, mais également de compréhension de l’innovation.
Il y a, selon Jean-Paul Fitoussi, deux méthodes qui conduisent à des résultats très différents :
La méthode Top-down est privilégiée en Europe. Elle se traduit par l’incitation par le haut à l’innovation.
La méthode Bottom-up, semble plus efficace. Elle consiste à créer un contexte favorable pour l’innovation et à laisser les individus se débrouiller dans ce contexte.
Pour la création d’un contexte favorable, Jean-Paul Fitoussi avait proposé un système qu’on retrouve dans le programme de deux candidats. C’est le service public de la caution.  
Le service public de la caution permettrait aux jeunes de pouvoir créer une entreprise et d’innover sans avoir à payer une prime d’intérêt, sans avoir à faire état de garanties qu’ils n’ont pas. Cela favoriserait l’émergence spontanée, laquelle permettrait aux jeunes et aux autres, quelles que soient leurs relations sociales, de penser qu’ils ont une chance d’exister puisqu’ils peuvent obtenir un prêt.
 
Pierre Cahuc montre que sur la recherche comme sur la formation professionnelle, il y a toujours l’idée qu’il faut en faire plus. Mais cela coûte très cher et beaucoup de dépenses ne rapportent pas grand-chose. Par exemple, Airbus n’est pas seulement une grande réussite car on voit, a posteriori, que les choses sont bien plus compliquées que ce qu’on avait anticipé. Donc, Pierre Cahuc est d’accord avec Jean-Paul Fitoussi. Il faut faire très attention aux incitations, à l’organisation, notamment dans le secteur public de la recherche ou il existe un double problème d’organisation et d’incitation, beaucoup plus qu’un problème de moyens globaux.
 
Jean-Baptiste de Foucauld pense que sur un sujet qui est très profond dans la société française, on abuse du quantitatif. Tout se résout en terme quantitatif, mais le qualitatif en terme d’efficacité est au moins aussi important, insiste-t-il.
 
Jean-Paul Fitoussi aimerait bien que le quantitatif suive le qualitatif notamment en matière d’université, plutôt que l’inverse.
 
Enfin, pour Jean-Baptiste de Foucauld, cette déconnexion entre aspects quantitatif et qualitatif s’observe aussi dans le processus d’insertion où on a énormément privilégié le quantitatif au qualitatif. On n’a jamais su payer deux fois pour aider les personnes à sortir de l’exclusion. D’une part, il faut les subventionner pour qu’elles soient embauchées et en même temps, il faut les former pour qu’il n’y ait plus besoin de subventionner l’embauche.
 
Il faut absolument rechercher la qualité et la quantité, en même temps, pour sortir par le haut et par le bas simultanément.
 
22 février 2007 4 22 /02 /février /2007 18:28
Compte rendu du débat du mardi 30 janvier 2007
 
Le débat s’ouvre avec M De Boissieu sur fond de controverse autour du report par l’insee de la publication des chiffres corrigés du chômage à partir des résultats de la dernière enquête emploi. Ce point sera peu discuté car avec un taux de chômage (TC) oscillant entre 8,6%  et 9 %, le problème reste fort préoccupant malgré la baisse observable depuis mi 2005. Le plein emploi (TC d’environ 5%) ne peut être envisagé avant 2012 pour M De Boissieu. sur fond de controverse autour du report par l’insee de la publication des chiffres corrigés du chômage à partir des résultats de la dernière enquête emploi. Ce point sera peu discuté car avec un taux de chômage (TC) oscillant entre 8,6%  et 9 %, le problème reste fort préoccupant malgré la baisse observable depuis mi 2005. Le plein emploi (TC d’environ 5%) ne peut être envisagé avant 2012 pour M De Boissieu.
 
Cependant, la situation du marché du travail (MT) ne peut être réduite au TC. Il faut également tenir compte du taux d’emploi (TE est le % des personnes en âge de travailler qui occupent un emploi) et du taux d’activité (% des personnes en âge de travailler qui sont actives). Autre fait essentiel repris par M Heyer, la forte baisse du TC depuis mi 2005 a nécessité 3 à 4 fois moins de créations d’emplois que la même baisse observée en France entre 1998 et 2001, en raison notamment des évolutions démographiques., la forte baisse du TC depuis mi 2005 a nécessité 3 à 4 fois moins de créations d’emplois que la même baisse observée en France entre 1998 et 2001, en raison notamment des évolutions démographiques.
 
Les TC des jeunes et des seniors sont encore plus préoccupants mais ce n’est pas un problème spécifiquement français. La spécificité française réside davantage dans la faiblesse des TE, des TA des jeunes et des seniors.
Selon M De Boissieu, on ne pourra pas résoudre les problèmes d’emploi des jeunes indépendamment de la résolution de leurs difficultés de logement.
 
M. Heyer montre que paradoxalement, données de l’OCDE à l’appui, la France n’est pas si protectrice sur les emplois durables (CDI). Elle l’est surtout sur les emplois temporaires.
Selon M de Boissieu, il existe un gisement d’emploi dans le secteur des services à la personne et notamment les services domestiques. M Heyer insiste davantage sur les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration où les TE sont vraiment faibles.
 
Enfin, M Duval attire l’attention sur les risques pour la société du développement de subventions, à grande échelle, des riches pour qu’ils embauchent les pauvres afin d’en faire des travailleurs pauvres. "Quelle société voulons-nous?", se demande M. Duval. attire l’attention sur les risques pour la société du développement de subventions, à grande échelle, des riches pour qu’ils embauchent les pauvres afin d’en faire des travailleurs pauvres. "Quelle société voulons-nous?", se demande M. Duval.
M. Heyer explique qu’on n’augmente pas la richesse par habitant en augmentant les TE mais que c’est la hausse de la production, et du revenu par habitant et donc celle de la demande, qui permet la hausse des TE dans le secteur des services à la personne.
 
Pour M. De Boissieu, il faut poursuivre les politiques d’allègements de cotisations sur les salaires proches du niveau du Smic. Cela a permis de créer de nombreux emplois pour les chômeurs peu qualifiés depuis le milieu des années 1990.
M. Duval montre que cette politique est certes créatrice d’emplois mais elle favorise l’émergence de travailleurs pauvres de plus en plus nombreux en créant des "trappes à bas salaires", c'est à dire des niveaux de salaire en dessous desquels les employeurs sont tentés de maintenir les salariés afin de garder le bénéfice des allègements de charges.
 
La baisse du salaire minimum et/ou la diminution du montant des allocations chômages n’apparaissent pas non plus comme des solutions efficaces pour les intervenants. M. Heyer montre qu’en France le niveau d'indemnisation est dans la moyenne européenne contrairement à une idée reçue, et il indique qu'un chômeur sur deux ne perçoit plus aucune indemnité. La seule spécificité française concerne le plafond très élevé au-delà duquel on ne calcule plus de droits à indemnisation (5000 euros!). Ainsi, le coût de prise en charge par la collectivité des chômeurs aux salaires passés les plus élevés est très important.
 
En revanche, si le modèle danois de « flexicurité » (flexibilité et sécurité) est cité en exemple car il combine haut niveau de protection et souplesse sur le MT, il exigerait un choix de société fort différent. Or selon M. Duval, il n’est pas sûr que les Français y soient prêts. En effet, avec un TC d’environ 4%, le Danemark consacre 4% de son PIB à ses chômeurs (indemnisation, aide au retour à l’emploi, sécurisation des parcours...) alors que la France avec un TC proche de 9% y consacre seulement 2% du PIB.
 
Les trois intervenants reconnaissent que les réformes structurelles sont d’autant plus efficaces et faciles à mettre en œuvre qu’elles sont menées dans un cadre macroéconomique porteur, c'est à dire d'un taux de croissance annuel moyen du PIB de 3%, impulsé par des politiques de soutien de la demande des ménages et des entreprises. On ne peut pas séparer les deux.
 
Faire fonctionner convenablement une économie en utilisant un seul des deux leviers reviendrait à essayer d’applaudir avec une seule main.
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A consulter :
 
La page personnelle d’Eric HEYER :
 
La page de Christian de BOISSIEU sur le site du CAE :
 
La page de Guillaume DUVAL :
 
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Débat annoncé sur France Culture, en fin d’émission  suivante :
 
Emission du lundi 29 janvier 2007
 
Spécial élections présidentielles :
 
Les programmes économiques des candidats sous l’œil des experts
 
1ere émission : Environnement       
 
Pour préparer les élections présidentielles à venir, L’économie en questions en partenariat avec Challenges, hebdomadaire d’actualité économique, propose quatre rendez-vous avec des experts pour examiner le contenu et les conditions éventuelles d’application des programmes économiques des principaux candidats. Quatre thèmes sont retenus :
 
- Environnement - lundi 29 janvier
- Fiscalité - lundi 12 février
- Emploi - lundi 26 février
- Europe - lundi 12 mars
 
Avec Pierre-Henri de Menthon, redacteur en chef à Challenges.
Avec Christian Saint-Etienne, professeur des Universités et Président de l'Institut France Stratégie. Il a travaillé au FMI et à l'OCDE avant d'enseigner l'économie politique et de créer un cabinet de conseil en stratégie.
Alain Grandjean, économiste de l’environnement, dirige la société «Capitalisme durable». 
Jean-Marie Chevalier, professeur de Sciences Economiques à l’Université Paris Dauphine où il dirige le Centre de Géopolitique de l’Energie et des Matières Premières et le DEA Economie Industrielle. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles sur l’industrie et l’énergie. 
Christian de Boissieu, économiste, président délégué du CAE (Conseil d’analyse économique), professeur à l’Université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne) et au Collège d’Europe à Bruges. Directeur scientifique du Centre d’observation économique de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris.
 
 

A Lire