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David Mourey

  • : Démocratie Economie et Société
  • : David MOUREY Professeur d'Economie Auteurs de nombreux ouvrages d'économie chez De Boeck Fondateur des « Rencontres économiques » depuis 2005.« Rencontres économiques lycéennes » et « Rencontres économiques citoyennes »à Pontault-Combault depuis 2005 ! Fondateur des« Rencontres économiques » à Paris depuis 2008 !
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Le Livre de la Semaine

 

 

Texte Libre

 

22 février 2007 4 22 /02 /février /2007 17:42
Flux d’entrée et de sortie de l’emploi
 
Le cadre d’analyse traditionnel utilisé par les économistes pour expliquer le fonctionnement du marché du travail est celui du marché. Le marché du travail est celui sur lequel les demandeurs de travail sont amenés à rencontrer les offreurs de travail afin d’échanger un service producteur. Sur ce marché, l’échange à lieu en fonction du niveau du salaire,  le salaire réel ou le salaire nominal selon les modèles théoriques.
 
Comptabilité du chômage
 
Dans un tel cadre d’analyse, le nombre de chômeurs est mesuré par la différence entre le nombre d’actifs et le nombre d’actifs occupés.
Soit,                           
U = PA – E       avec E = PAO
U = OT - DT
U = DE - OE
 
PA = Population active          PAO = Population active occupée (par un emploi)
U = Unemployment = PAI
                                 = Population active inoccupée (par un emploi) = chômage
OT = offreur de travail                                    OE = offreur d’emploi
    Ici, l’offreur de travail peut être satisfait (dans la PAO) ou insatisfait (dans U)
DT = demandeur de travail                             DE = demandeur d’emploi
    Ici, le demandeur d’emploi peut être satisfait (dans la PAO) ou insatisfait (dans U)
 
Cette manière, simplement comptable, d’envisager le marché du travail et son fonctionnement implique de faire implicitement l’hypothèse qu’à un moment donné, dans une économie donnée, il y a un nombre donné de personnes qui sont actives (PA = OT = DE), que certaines, parmi elles, occupent un emploi (E = PAO = DE satisfaite = OT satisfaite) pendant que d’autres en recherchent un (U = PAI = DE insatisfaite = OT insatisfaite).
 
Une analyse statique
 
Cette représentation du marché du travail et de son fonctionnement peut être considérée comme statique. Elle conduit, en effet, à une analyse du marché du travail, en termes de stocks (stock ou nombre de travailleurs, stock ou nombre d’emplois, stock ou nombre de demandeurs d’emploi, stock des offres d’emploi…).
 
De ce qui précède, on peut déduire que le nombre de chômeurs est le résultat d’une simple différence entre le nombre d’actifs et le nombre d’actifs occupés. Soit, U = PA – PAO = PA – E.
 
Si de surcroît, entre deux dates, les nombres de chômeurs, d’actifs et d’actifs occupés (d‘emplois) sont inchangés, alors on pourrait en déduire que rien n’a changé sur le marché du travail. Celui-ci fut statique sur la période considérée. Mais ce serait commettre une magistrale erreur d’interprétation aux conséquences fâcheuses. En effet, un diagnostic erroné ne peut conduire qu’à une prescription inadaptée et le remède proposé risque de causer un mal encore plus profond.
 
Une simple illusion comptable, un simple mirage causé par une certaine méconnaissance du fonctionnement effectif du marché du travail peut donc produire des effets non voulus et contraires à ce qui est recherché.
 
La vérité est ailleurs…. au moins en partie : une analyse dynamique
 
Dans la réalité économique quotidienne, le marché du travail est un marché extrêmement dynamique. L’analyse de son fonctionnement exige l’étude simultanément des flux très nombreux d’entrées et des flux non moins nombreux de sorties du marché du travail. Chaque jour, des milliers de personnes entrent et sortent du marché du travail, des milliers d’emplois sont crées pendant que d’autres sont détruits, la composition de la population des chômeurs change…
 
De facto, l’analyse du marché du travail doit, également, être une analyse dynamique, c'est-à-dire en terme de flux. Seul ce type d’étude permettra de mettre en lumière l’existence d’innombrables et perpétuels changements au sein de la population active, dans la composition de l’emploi et parmi les chômeurs.
 
Prenons un exemple totalement fictif
 
Si, le 1er  Janvier 2006 en France, il y a 20 millions d’actifs et le 31 décembre 2006, on dénombre également 20 millions d’actifs. On pourrait rapidement en déduire que la population active (population présente sur le marché du travail) est inchangée. Elle paraît être rigoureusement stable, statique. Si de plus, le même nombre de personnes (18 millions) constitue la population active occupée (par un emploi) et que le même nombre de personnes (2 millions) constitue la population active inoccupée ou les chômeurs, alors tout semble parfaitement stable sur le marché du travail. Mais cette stabilité apparente est purement comptable.
 
L’exploitation statistique de millions d’observations
 
L’observation des données empiriques nous montre, a contrario, l’existence de flux entrants et de flux sortants de la population active, de flux entrants et de flux sortants de l’emploi (de la population active occupée). Certaines personnes ayant un emploi sont devenues chômeurs et vice versa. , l’existence de flux entrants et de flux sortants de la population active, de flux entrants et de flux sortants de l’emploi (de la population active occupée). Certaines personnes ayant un emploi sont devenues chômeurs et .
 
Pour ces multiples raisons, l’étude du marché du travail doit nécessairement être dynamique. L’économiste doit procéder à un examen minutieux des flux d’entrée et de sortie du marché du travail, des flux d’entrée et de sortie de l’emploi, des flux d’entrée et de sortie du chômage.
 
Le processus d’appariement
 
Cette analyse, qualifiée de dynamique, du marché du travail va nous conduire à examiner le processus d’appariement entre l’offre d’emploi et la demande d’emploi. L’objectif à atteindre est désormais d’expliquer comment rendre plus efficace ce processus d’appariement. Comment faire pour qu’un demandeur d’emploi trouve un emploi conforme à sa demande ? Comment faire pour qu’un offreur d’emploi trouve un candidat adapté à ce qu’il recherche ?
 
Comment faire pour que les offreurs de travail et les demandeurs de travail cessent de se croiser sans se rencontrer ?
 
Chômage et emplois vacants
 
Dans une économie développée, comme celle de la France, il existe simultanément de nombreux chômeurs et de nombreux emploi vacants. Il existe aussi de nombreux postes occupés par des personnes qui ne sont pas à la « bonne place ». Cela peut sembler paradoxal au premier abord, pourtant ce paradoxe n’est qu’apparent. Il révèle les difficultés inhérentes au processus d’appariement. Mais les obstacles à la qualité du processus d’appariement sont plus ou moins nombreux et prononcés selon les pays.
 
Le processus de destruction créatrice
 
Il est donc indispensable d’analyser méticuleusement ce processus d’appariement car l’économie et donc le marché du travail changent quotidiennement. Des activités sont en expansion alors que d’autres sont en extinction.
 
De manière analogue, des entreprises sont crées et d’autres disparaissent, tout comme il existe des créations d’emplois et des destructions d’emploi. Ce processus inévitable et inéluctable de destruction créatrice est indissociable des processus complémentaires de croissance et de développement. Cela rend indispensable la mise en place et la gestion d’un processus d’appariement adapté à ces mouvements.
 
Du diagnostic à la médication
 
In fine, le diagnostic qui sera fait de l’efficacité du fonctionnement du marché du travail à partir d’une analyse en terme de flux va conditionner la médication c'est-à-dire les solutions éventuellement envisageables pour remédier aux problèmes de l’emploi et du chômage. Le contenu des politiques de l’emploi à mettre en œuvre en sera, au moins, partiellement modifié.
 
Incertitude et processus de destruction créatrice
 
L’existence de mouvements aussi nombreux, d’ampleur plus ou moins grande, fait planer une grande incertitude dans une économie. Cette incertitude est inséparable du processus de destruction créatrice qui est à l’origine de la croissance et du développement à long terme.
 
Etant donné les conséquences de ces processus croisés sur le fonctionnement du marché du travail, et donc ipso facto sur la vie des individus, il semble urgent d‘étudier avec la plus grande minutie l’ampleur de ces flux, leurs causes et leurs conséquences afin de mettre en œuvre les solutions les plus adaptées individuellement et collectivement. sur la vie des individus, il semble urgent d‘étudier avec la plus grande minutie l’ampleur de ces flux, leurs causes et leurs conséquences afin de mettre en œuvre les solutions les plus adaptées individuellement et collectivement.
En situation d’incertitude, mieux vaut prévenir que guérir. En situation d’incertitude, le pire n’est jamais certain, mais pour l’éviter, il convient de mettre en place les conditions qui empêcheront l’émergence de ses causes.
 
En résumé, l’analyse dynamique du marché du travail apporte de nouveaux éclairages sur les causes du non emploi, sur les solutions envisageables et sur les conditions d’efficacité de celles-ci.
Mutatis mutandis, on ne peut faire l’économie des enseignements tirés des modèles d’appariement qui viennent compléter les théories traditionnelles, bien davantage que s’y substituer.
Les analyses statiques et dynamiques du marché du travail sont complémentaires bien plus que substituables.
 
Voir : Pierre Cahuc's Home Page: Tout savoir (ou presque) sur les politiques d'emploi en France
 
 
22 février 2007 4 22 /02 /février /2007 17:00
 Compte rendu de la conférence du mardi 9 janvier 2007
Pontault-Combault, salle Jacques BREL entre 10 h et 12h
 
Pierre CAHUC
Professeur d’économie, Université Paris I-Panthéon-Sorbonne
 
Le fonctionnement du marché du travail expliqué aux élèves
 
Support de travail proposé aux élèves
 
« Le chômage : fatalité ou nécessité ? »,
Flammarion, avec André Zylberberg. 197 p, Flammarion, Paris, 2004.
 
_________________________________________________________________________________________
 
D’une analyse statique du marché du travail à une analyse dynamique
 
En France, en moyenne, chaque jour 10 000 emplois sont détruits et 10 000 emplois sont crées, chaque jour 30 000 personnes perdent leur emploi et 30 000 personnes trouvent un emploi. Les réallocations de main d’œuvre sont deux à trois fois plus nombreuses que les réallocations d’emplois en raison des démissions volontaires de salariés et de départs à la retraite sans qu’il y ait destruction d’emploi, mais simplement rotation de la main d’œuvre. De surcroît, en moyenne, une entreprise qui crée un emploi embauche trois personnes et en licencie deux, la suppression d’un poste de travail s’accompagne de deux embauches et de trois départs/licenciements.
 
La croissance économique est le produit d’un double processus où création et destruction d’emplois sont en interaction avec divers autres mouvements de main d’œuvre. Ce double processus reflète le libre choix des entreprises et des salariés.
 
L’ampleur des mouvements observables sur le marché du travail (MT) conduit un à profond renouvellement de la conception de son fonctionnement. Ce n’est que vers la fin des années 1980 que les économistes ont pris conscience que le MT fonctionne dans le cadre d’un processus de destruction créatrice (PDC). Le développement de l'informatique a rendu possible l'exploitation de millions d'observations révélant l'ampleur du PDC d'emplois et ses liens avec la croissance par la médiation des gains de productivité induits.
 
Sans ce PDC nous n'aurions jamais connu la croissance économique. « La prospérité provient des réallocations d’emplois.» Les innovations y jouent un rôle moteur et leurs effets sont puissants, si le fonctionnement du MT permet le PDC d'emplois, c’est-à-dire les réallocations d’emplois.
 
Mais, si le PDC apporte la croissance économique, il apporte aussi le chômage et des inégalités criantes. Croissance et chômage sont co-déterminées par le PDC.
 
La mondialisation du commerce international joue un rôle marginal. Elle n’est pas la cause principale des destructions d’emploi, ni du chômage.
 
Les licenciements boursiers sont des exceptions. Aux Etats-Unis, plusieurs études portant sur la période 1970-1997 montrent qu’en moyenne, le cours de l’action baisse (faiblement) à la suite d’une annonce de réduction d’effectifs.
 
Les procédures de licenciements collectifs seraient l’expression de moins bonnes perspectives de profits. Des exemples isolés, minoritaires, ne peuvent être généralisés simplement pour en faire des « lois économiques », lesquelles doivent exprimer des tendances générales. Les licenciements économiques dans le cadre de plans sociaux ne concernent que 0,5 % des personnes qui quittent leur emploi même si on ne peut pas se désintéresser du sort des personnes qui subissent les plans sociaux.
 
La recherche d’emploi (le chômage) est un rouage indispensable du PDC, elle est nécessaire au bon fonctionnement de l’économie. On observe, au sein des pays industrialisés, une forte ressemblance en matière de créations/destructions d’emplois, mais de grandes différences des résultats au niveau du chômage. C’est la gestion différenciée de ce PDC qui explique les divergences en matière de chômage, en matière de réactivité du MT.
 
Démographie et chômage
 
Empiriquement, à long terme, l’immigration accroît l’emploi et la réduction de la population active (celle qui occupe ou qui cherche un emploi) réduit l’emploi. cela contredit l’idée selon laquelle l’économie d’un pays dispose d’un nombre fixe d’emplois (et d’heures de travail) et que ces emplois doivent être partagés ente ceux qui cherchent à travailler, afin de réduire le chômage.
 
Au contraire, c’est la hausse de la population en âge de travailler qui va provoquer la hausse de la population active et celle de l’emploi. L’emploi résulte d’une recomposition permanente et massive de l’appareil productif induite par le PDC. Croire qu’il suffirait de limiter l’immigration, de réduire la population active ou de partager le travail par les RTT, pour accroître l’emploi et réduire le chômage est une erreur. Les emplois sont fragiles dans la mesure ou ils s’inscrivent dans la dynamique d’un PDC. Ces mesures ne sont pas susceptibles d’améliorer l’efficacité de ce processus.
 
Salaire et chômage
 
La feuille de paie n'est pas toujours une ennemie pour l'emploi. Elle peut lui être favorable. Aujourd'hui, en France, les hausses du coût du travail au niveau du salaire minimum sont un frein à l'emploi des travailleurs les moins qualifiés. Les allégements de charges sociales permettent de maîtriser ces hausses tout en préservant le pouvoir d'achat du Smic. Mais ce n'est pas suffisant.
 
Il faut aussi créer les conditions pour que le travail salarié soit financièrement plus intéressant que l'inactivité. Des conditions qui ne sont pas toujours satisfaites. Il faut valoriser le travail grâce à des formes de crédit d’impôt (Prime pour l'emploi ou PPE) et favoriser l’embauche des plus éloignés du marché du travail en réduisant les charges sociales. Mais pour que le MT retrouve une pleine efficacité, il faut améliorer le processus d’appariement en réformant l’assurance chômage, la législation sur la protection de l’emploi (LPE) et les politiques de formation.
 
Utilité sociale du chômage et accompagnement
 
Afin de mettre en place un système adapté, on doit commencer par considérer le chômeur et la période de chômage autrement en admettant l’utilité sociale des mouvements de main d’œuvre et en répondant à une double exigence.
 
Primo, dans le cadre d’un système à indemnisation généreuse du chômage avec aide à la recherche d’emploi, on peut mettre en place un contrôle et des sanctions. En contrepartie, l’engagement du demandeur d’emploi permet d’améliorer la qualité de l’appariement, les parcours professionnels sont sécurisés, et il existe une plus grande cohérence entre les activités de recherche d’emploi, et les décisions de création et destruction d’emploi.
 
Secundo, on peut alors mettre en place une légalisation protectrice et une réglementation des licenciements adaptées. Notre LPE doit passer d’une culture du contrôle à une culture de l’incitation. Par l’introduction de systèmes de taxation et de bonus malus, on peut mieux protéger l’emploi présent et avenir. Les résistances aux assouplissements indispensables de la LPE reposent sur une connaissance erronée du fonctionnement dynamique du MT et du PDC.
 
L’assurance chômage et la protection de l’emploi sont nécessaires mais insuffisantes pour assurer un fonctionnement optimal du MT. Les politiques publiques de l’emploi doivent également avoir pour objectifs, la mise en place de systèmes d’éducation et de formation professionnelle adaptés aux changements permanents qui secouent le MT.
 
Les résultats des évaluations des politiques publiques d’éducation et de formation convergent. L’efficacité de ces politiques diminue avec le nombre de personnes concernées. Il convient de cibler les aides publiques, conséquentes, en direction des plus jeunes les plus défavorisés et d’impliquer les familles. Pour les adultes les plus défavorisés, et les plus âgés, les politiques de subvention à l’embauche grâce à l’abaissement des charges sociales se révèlent plus efficaces. Enfin l’évaluation des politiques publiques d’emploi est indispensable pour éviter de nombreux gaspillages de l’argent public.
 
 
Vous pouvez consulter la page personnelle de Pierre CAHUC :
 
Pierre Cahuc's Home Page :
 
Tout savoir (ou presque) sur les politiques d'emploi en France
 
 

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