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David Mourey

  • : Démocratie Economie et Société
  • : David MOUREY Professeur d'Economie Auteurs de nombreux ouvrages d'économie chez De Boeck Fondateur des « Rencontres économiques » depuis 2005.« Rencontres économiques lycéennes » et « Rencontres économiques citoyennes »à Pontault-Combault depuis 2005 ! Fondateur des« Rencontres économiques » à Paris depuis 2008 !
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Texte Libre

 

9 octobre 2007 2 09 /10 /octobre /2007 20:47
 
Quelques remarques, ci-dessous, de Jean-Paul FITOUSSI sur le « concept » d’euro fort, de "monnaie forte" ou "faible", lors d’un Chat récent.
 
"La force de l'euro favorise-t-elle la puissance de l'Europe ?"
 
« Un euro fort est-il vraiment un handicap ou juste une façon de justifier la perte de compétitivité des entreprises françaises ? Pourquoi l'Allemagne reste compétitive malgré la hausse de l'euro. Alors ? »
 
Jean-Paul Fitoussi
 
« Il y a plusieurs aspects dans cette question. Le premier, c'est parce que l'euro est fort que les entreprises sont peu compétitives, et non pas l'inverse. Un euro fort signifie l'augmentation en devise étrangère des prix des biens et des marchandises produits en Europe. Si l'euro s'apprécie de 50 %, par exemple, cela signifie que les prix des biens européens augmentent de 50 % sur les marchés américain et asiatique. Donc on voit bien que c'est la force de la monnaie qui rend l'économie moins compétitive. C'est pourquoi je disais qu'il fallait inverser la causalité. C'est lorsque les entreprises sont très compétitives que la monnaie peut s'apprécier.
 
Non seulement l'appréciation de la monnaie n'est pas un moyen de rendre les entreprises plus compétitives, mais au contraire, de détruire leur compétitivité. Ce qui se passe aujourd'hui pour Airbus comme pour les constructeurs automobiles européens le montre abondamment. Ils ont de plus en plus de difficulté à écouler leur production sur les marchés extérieurs à l'Europe. L'Allemagne a conduit une politique de compétitivité qui consistait à réduire ses coûts de production, et notamment ses coûts unitaires en travail, par une très forte modération salariale, ce qui lui a permis de compenser partiellement l'appréciation de l'euro. Mais l'Allemagne a gagné en compétitivité essentiellement par rapport aux autres pays européens.
 
Donc une part importante de l'excédent des échanges extérieurs allemands s'est faite au détriment de l'Espagne, de l'Italie, de la France, c'est-à-dire des pays de la zone euro. En d'autres termes, la politique allemande revient à remettre au goût du jour ce que l'on a appelé en France la "politique de désinflation compétitive". Et le problème européen se trouve là. Si les autres pays européens, pour gagner des parts de marché sur l'Allemagne, se mettent à poursuivre la même politique, alors évidemment, personne ne gagnera. Si l'Espagne, l'Italie et la France avaient réduit leurs coûts salariaux du même montant que l'Allemagne, il n'y aurait pas eu de boom des exportations allemandes. Et le seul résultat eût été une baisse de la croissance européenne.
 
En gros, c'est une façon de pratiquer une politique d'import-export du chômage, si je puis dire. Parce que les politiques de compétitivité qui essaient de baisser les prix relativement aux voisins ont pour moteur la modération, si ce n'est la baisse, des salaires. Donc l'Allemagne s'en porte mieux au niveau des exportations, mais ne s'en porte pas mieux au niveau de sa demande interne, c'est-à-dire la consommation allemande, l'investissement allemand. Il ne faut pas oublier que si l'Allemagne va un peu mieux aujourd'hui en termes de croissance, elle a connu une stagnation pendant environ quatre années. Il y a une autre façon de devenir compétitif, qui est d'augmenter la productivité, de ne pas jouer sur les prix. Mais cela exige de l'investissement à la fois public et privé. Or, les gouvernements européens aujourd'hui n'ont plus vraiment, compte tenu de l'état de strangulation budgétaire dans lequel ils se trouvent, les moyens d'investir. »
 
Chat avec Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, Le Monde, mercredi 13 décembre 2006
 
(…)
 
« Pourquoi se poser cette question alors qu'un dollar fort n'inquiète pas les Américains outre mesure ? »
 
« Personne ne se pose la question de l'euro fort. C'est un contexte essentiellement politico-médiatique, et non un concept économique. Nous avons hérité de ce concept parce qu'il a désigné une politique, celle du franc fort. Lorsque les Américains disent qu'ils veulent que leur monnaie soit forte, ils le disent à la fois quand l'euro vaut 0,8 dollar, quand le dollar est fort, ou quand l'euro vaut 1,32 dollar. Ils tiennent toujours ce discours quel que soit le niveau du dollar. Aujourd'hui, le dollar est faible par rapport à l'euro, mais les Américains ne sont pas en train de gémir devant la faiblesse de leur monnaie. Au contraire, ils disent que leur monnaie est forte parce qu'ils savent très bien, comme tous les économistes, que le concept de faible ou fort appliqué à une monnaie est une figure rhétorique.
Si aujourd'hui les Européens se plaignent d'un euro fort, c'est parce qu'ils constatent que le niveau élevé du taux de change de l'euro conduit à accélérer la désindustrialisation de l'Europe. Parce que certaines entreprises industrielles n'exportent plus, ou beaucoup moins, et donc finissent par décider de s'implanter, au moins partiellement, en zone dollar, de délocaliser une partie de leurs activités. Il ne s'agit pas de savoir si une monnaie est forte ou faible, la vraie question est de savoir si une économie est forte ou faible. Il est évident que si la gestion de la monnaie conduit l'ensemble des entreprises à délocaliser de plus en plus leurs activités, la force de la monnaie accélérera le déclin de l'économie. »
 
Chat avec Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, Le Monde, mercredi 13 décembre 2006
 
(…)
 

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