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David Mourey

  • : Démocratie Economie et Société
  • : David MOUREY Professeur d'Economie Auteurs de nombreux ouvrages d'économie chez De Boeck Fondateur des « Rencontres économiques » depuis 2005.« Rencontres économiques lycéennes » et « Rencontres économiques citoyennes »à Pontault-Combault depuis 2005 ! Fondateur des« Rencontres économiques » à Paris depuis 2008 !
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Le Livre de la Semaine

 

 

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24 septembre 2007 1 24 /09 /septembre /2007 20:28
 
L’impératif de la compréhension
 
La compréhension des mécanismes de transmission des effets des crises financières à l’économie réelle est un enjeu de l’analyse économique, mais c’est aussi un enjeu pour nous tous (entreprise, ménages, travailleurs salariés ou indépendants) qui sommes au cœur d’un « grand jeu de domino », lequel pourrait in fine nous faire chuter lourdement.
 
Comprendre pour apprendre à … ne pas recommencer
 
Essayer de comprendre est un premier pas essentiel, une nécessité qui pourrait nous permettre d’éviter le pire dans un avenir proche mais également, nous en avons déjà parlé, de ne pas retomber dans les mêmes travers qui seraient étroitement liés, essentiellement, à la combinaison d’un politique monétaire excessivement et durablement expansionniste et aux conséquences inévitables de la « Finance de Ponzi ».
 
L’hypothèse de l’excès de liquidité, et de ses causes éventuelles, sera bientôt mise en discussion sur ce blog. A suivre…
 
Dans une note récente - NATIXIS, Patrick ARTUS, Flash Economie N° 334, le 17 septembre 2007 -, Patrick ARTUS tente de présenter les mécanismes par lesquels a crise des crédits « subprime » pourrait provoquer une récession mondiale.
 
Le scénario du pire doit être analyse ex ante
 
« Le scénario le plus raisonnable est celui où la crise immobilière aux États-Unis ralentit l’économie mondiale mais est loin de la plonger dans une récession. Notre scénario central n’est donc absolument pas celui d’une récession en 2008, mais nous nous intéressons cependant aux canaux par lesquels, dans le pire des cas, cette récession pourrait survenir (…). A nouveau, il ne s’agit pas du tout du scénario que nous privilégions, mais ces canaux de transmission négatifs de la crise sont importants à analyser. De plus, nous ne nous intéressons ici à aucune cause possible non liée à la crise du subprime d’un freinage de l’économie mondiale : protectionnisme, crise géopolitique. » NATIXIS, Patrick ARTUS, Flash Economie N° 334, le 17 septembre 2007
 
La combinaison de ces mécanismes qui pourraient, contrairement aux attentes, déclencher une nouvelle récession mondiale sont : une situation de « credit crunch » généralisé, la chute du commerce mondial et les difficultés induites pour les pays dépendant des exportations, le recul des prix des matières premières et de la croissance des pays producteurs, l’extension du « flight to quality » aux émergents, la fin des effets de richesse liés aux prix des actifs, la chute du dollar, l’ arrêt du « carry-trade » et la déflation au Japon.
 
Normalement, la crise immobilière ralentit modérément
la croissance mondiale…
 
« La crise immobilière aux Etats-Unis est grave avec l’énorme stock de maisons invendues, chute de l’activité de construction, chute des prix des modérément la maisons entraînant un freinage du crédit aux ménages et les défauts des emprunteurs en subprime qui ne bénéficient plus de plus values immobilières. En raison des ventes de certains fonds, de la hausse de l’aversion pour le risque, de la défiance des investisseurs et des banques, la crise s’est étendue à d’autres marchés : interbancaire, produits structurés et titrisés, actions, dérivés de crédit. Le freinage de la demande aux États-Unis, amplifié dans le futur par le durcissement des conditions de crédit aux ménages des banques se transmet aux autres pays par le commerce extérieur. Déjà, les exportations du Japon, du Canada et des émergents d’Asie autres que la Chine, de l’Amérique Latine vers les États-Unis ne progressent plus ou reculent. Cependant, malgré l’extension de cette crise, le jugement le plus raisonnable aujourd’hui reste qu’elle va provoquer un ralentissement de l’économie mondiale. » NATIXIS, Patrick ARTUS, Flash Economie N° 334, le 17 septembre 2007
 
 
… pour une série de raisons connues
 
« -la liquidité mondiale reste très abondante, avec l’accumulation de réserves de change dans les pays émergents et exportateurs de matières premières ;
 -la profitabilité est élevée dans les grands pays de l’OCDE, et la situation financière des entreprises très bonne, leur taux de défaut extrêmement faible ;
-la croissance des émergents est forte, et de plus en plus alimentée par leur demande intérieure, par le niveau élevé des prix des matières premières ;
-les banques centrales des grands pays de l’OCDE ont réagi très rapidement pour éviter une crise bancaire, et passent maintenant à une politique monétaire plus expansionniste, ou renoncent à une politique plus restrictive ;
-même dans les pays où l’industrie se contracte et qui sont affectés par la crise de la construction, les emplois de service progressent rapidement ;
- les politiques budgétaires pourront jouer un rôle contra cyclique aux Etat-Unis, dans la zone euro (sauf en France). » NATIXIS, Patrick ARTUS, Flash Economie N° 334, le 17 septembre 2007
 
Des mécanismes puissants doivent permettre d’éviter une récession et le scénario privilégié est bien celui d’un ralentissement modéré de l’économie mondiale comme on peut l’observer dans le tableau suivant.
 
De la figure du probable, ...  à la figure du possible
 
En situation d’incertitude, la sagesse conduit à la prudence. Or, l’éventualité d’une récession mondiale ne pouvant être écartée avec certitude, il convient d’en mettre en lumière la combinaison des mécanismes qui pourraient nous y conduire.
 
Patrick ARTUS nous propose donc de distinguer 7 mécanismes pouvant conduire l’économie mondiale sur le chemin de la récession.
 
 
Le mécanisme n° 1 est celui de l’extension du « credit crunch »
 
Le « credit crunch » va-t-il s’étendre aux ménages européens ou aux entreprises ?
 
« On voit pour l’instant les banques durcir les conditions des crédits vis-à-vis des fonds, vis-à-vis des ménages aux États-Unis mais pas vis-à-vis des ménages européens ou des entreprises. Et, même aux États-Unis, la hausse des taux d’intérêt sur les crédits hypothécaires reste assez faible. On pourrait cependant craindre que, puisque les pertes réalisées sur le subprime vont augmenter en raison du profil des « reset » (fin de la période de deux ans à taux d’intérêt faible dans les crédits subprime, tableau), les banques deviennent plus restrictives sur les ménages, y compris en Europe, deviennent restrictives sur les entreprises qui sont déjà touchées par la hausse des spreads de crédit. Ceci accélérerait le freinage du crédit aux ménages (aux États-Unis, dans la zone euro), pourrait le déclencher au Royaume-Uni ; retournerait à la baisse le crédit aux entreprises, qui freine déjà au Royaume-Uni. » NATIXIS, Patrick ARTUS, Flash Economie N° 334, le 17 septembre 2007
 
 
Selon le mécanisme n° 2, la chute du commerce mondial causerait de grandes difficultés aux  pays qui dépendent des exportations
 
Les pays très ouverts ou échanges internationaux, donc fortement dépendants des exportations pour leur croissance, pourraient souffrir.
 
« Le recul de la croissance aux États-Unis a déjà généré un freinage visible des importations des États-Unis et des exportations vers les États-Unis, sauf pour l’instant en ce qui concerne la Chine. Or, un certain nombre de pays dépendent beaucoup des exportations pour assurer leur croissance, parce que la taille des exportations est grande et/ou parce que la demande intérieure augmente peu. Deux exemples caractéristiques sont l’Allemagne et le Japon. Les pays émergents d’Asie ont une part des exportations dans le PIB élevée mais ont aussi une demande intérieure en croissance forte. D’autres pays, enfin, dépendent très fortement de la conjoncture américaine, Mexique ou Canada par exemple. Le risque est donc un enchaînement dépressif se transmettant à partir des pays où les exportations ou la croissance des États-Unis sont le moteur de la croissance domestique. » NATIXIS, Patrick ARTUS, Flash Economie N° 334, le 17 septembre 2007
 
 
Le mécanisme n° 3 se traduit par un recul des prix des matières premières pourrait provoquer un ralentissement de  la croissance des pays producteurs.
 
Un ralentissement de la demande mondiale induirait un repli des prix des matières premières entraînant, à son tour, des exportations de ces pays producteurs provoquerait inévitablement un ralentissement de la croissance du PIB de ces pays.
 
« La croissance des pays exportateurs de matières premières a été depuis 2002 tirée par la hausse du prix relatif des matières premières. Mais le freinage de la croissance mondiale a normalement comme effet de faire baisser les prix des matières premières, d’où une moindre croissance de ces pays. Aujourd’hui, les prix du pétrole et des métaux non précieux sont stabilisés, ceux des autres matières premières continuent à progresser. De plus, si les prix des matières premières baissent, les excédents commerciaux des pays exportateurs reculent (ce qui se voit déjà), ainsi alors que leur accumulation de réserves de change (ce qui se voit moins), ce qui conduit à un freinage de la liquidité mondiale, ce qui va aussi dans le sens d’une contraction de l’activité. »
 
Selon le mécanisme n° 4, l’extension du « flight to quality »
attendrait les pays émergents
 
Si désormais, les phénomènes de fuite des capitaux vers la qualité,vers des économies ou les placements sont moins emprunts d’incertitude et donc moins risqués, le « flight to quality »,  atteignent les économies émergentes, cela pourrait provoquer une crise de change pour les monnaies locales et de facto un ralentissement, voire une baisse de l’activité économique.
 
« La crise de l’été 2007 ne s’est pas (au-delà de très courtes périodes de temps) étendue aux émergents dont la situation macroéconomique est solide : si les spreads obligataires se sont ouverts avec tous les autres spreads, les taux de change ont très peu bougé et les bourses ont continué à monter en dehors d‘une période très courte. Il n’y a pas eu de retrait des capitaux des investisseurs malgré la hausse de leur aversion pour le risque. Un retrait des capitaux depuis les pays émergents provoquerait une forte dépréciation du change de ces pays, une dégradation des termes de l’échange et un recul de la demande intérieure et de l’activité comme en 1997-2000. » NATIXIS, Patrick ARTUS, Flash Economie N° 334, le 17 septembre 2007
  
Le mécanisme n° 5 concerne la fin des effets de richesse
 
L’effet de richesse était entretenu par la hausse des cours des actifs et se traduisait par de fortes plus-values. La disparition des plus-values en capital fondée sur les prix croisant pour les actifs provoquerait une réduction de la demande des ménages et des entreprises.
 
« La crise du subprime a été déclenchée par le recul des prix de l’immobilier résidentiel aux États-Unis ; dans les autres régions, ces prix sont stabilisés, tandis que, en dehors des émergents, les cours boursiers ont reculé. L’expérience du passé montre que la disparition des plus-values immobilières a surtout comme effet de ralentir le crédit aux ménages, donc la demande des ménages comme on l’a vu plus haut dans la crise du subprime, tandis que la disparition des plus-values sur actions a surtout comme effet de freiner l’investissement des entreprises, comme pendant la crise de la IT (nouvelles technologies). » NATIXIS, Patrick ARTUS, Flash Economie N° 334, le 17 septembre 2007
 
Avec le mécanisme n° 6, c’est la chute du dollar qui poserait problème
 
Un recul important du dollar ayant pour corollaire une appréciation de l’euro et du Yen, entraînerait une perte de compétitivité de l’Europe et du Japon, zone dont la croissance n’est pas suffisamment soutenue et durable au point de la avoir mener prés de leur potentiel productif et donc du plein emploi des facteurs de production.
 
« Le ralentissement de l’activité aux États-Unis sera plus important que dans le Reste du Monde, puisque c’est aux États-Unis que la crise de la construction conduit à une chute de l’activité de construction. Il est donc normal d’attendre, comme les marchés financiers une baisse des taux d’intérêt à court terme des États-Unis relativement à ceux des autres régions, d’où une dépréciation supplémentaire du dollar (par rapport à l’euro et au yen) et une détérioration de la compétitivité des autres régions, ce qui est déjà le cas pour l’Europe mais pas pour le Japon. On a vu cependant depuis 2 mois la remontée nette du yen par rapport aux autres devises. » NATIXIS, Patrick ARTUS, Flash Economie N° 334, le 17 septembre 2007
 
Enfin, le mécanisme n° 7 se traduit par l’arrêt du « carry-trade »
et la récession au Japon
 
Un des jeux à la mode chez les spéculateurs sur les marchés de change consiste à jouer, à parier, sur les différentiels de taux d'intérêt. C'est ce type de jeu qui permet d’expliquer pourquoi le taux de change du yen a chuté par rapport aux autres monnaies. Mais, comme tout jeu, sur les marchés financiers, il est très risqué et il porte en lui les germes de sa propre destruction à long terme, si un seuil fatidique est dépassé.
 
Le « carry trade », comme tout jeu risqué, peut par nature apporter gros ou nous faire glisser sur une peau de banane. On ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et la crémière avec. Les règles du jeu sont très simples. En effet, il suffit de jouer sur les différentiels de taux d'intérêt.Un investisseur va emprunter dans une monnaie dont les taux d'intérêt sont bas afin de placer cette somme en achetant des actifs, libellés dans une autre monnaie, dont les rendements et les plus values potentielles sont élevés.
 
La monnaie du Japon, le yen est l’un des supports privilégiés pour ce type de loterie. En effet, en vertu de politiques monétaires moins expansionnistes en Europe et aux Etats-Unis, les taux d'intérêt de la Banque du Japon sont de venues nettement plus bas que ceux de la BCE et de la FED notamment. Cet écart des taux d’intérêt à court terme a pu atteindre 4,5 %. Logiquement, l’intérêt des investisseurs était d’emprunter en yens puis de convertir ces yens en dollars, en euros ou en livre sterling pour ensuite les investir sur les marchés occidentaux porteurs. La forte vente de yen, au moment de la conversion, se traduit ipso facto par la chute du cours du yen par rapport à la plupart des devises occidentales. Cela facilite certes les exportations japonaises, mais cela renchérit les importations est peut être source d’inflation. On en déduit aisément les conséquences d’un enchaînement contraire.
 
« La faiblesse des revenus des ménages japonais explique la faiblesse de la demande des ménages au Japon. La croissance du Japon dépend des exportations et des investissements liés et est menacée directement par le ralentissement américain ; par la poursuite de l’arrêt du carry-trade sur le yen et par l’appréciation induite du yen. Le retour à un yen fort aurait deux types d’effets négatifs : direct sur la compétitivité ; par l’intermédiaire du retour à une inflation négative donc à un risque de déflation, l’inflation nulle n’étant obtenue que grâce à la hausse des prix des importations avec le yen faible. » NATIXIS, Patrick ARTUS, Flash Economie N° 334, le 17 septembre 2007
 
Synthèse
 
« Pour toutes les raisons évoquées plus haut (profitabilité élevée, liquidité abondante, soutien des banques centrales, croissance forte des émergents, possibilité d’utiliser les politiques budgétaires), l’effet normal de la crise immobilière aux États-Unis est un ralentissement de l’économie mondiale, pas du tout une récession. Ce qui précède constitue donc plutôt une liste de mécanismes à surveiller pour savoir si, de manière improbable, une récession n’est pas cependant en train d’apparaître. Si plusieurs de ces mécanismes apparaissaient, alors il faudrait devenir inquiet au sujet de la croissance mondiale en 2008. »
 
Informations de ce lundi 24 septembre 2007
 
Appréciation de l’euro par rapport au dollar
 
Selon des informations de ce jour, lundi 24 septembre 2007, la chute du dollar et la flambée de l'euro ont toutes les chances de se poursuivre cette semaine. L'euro a terminé la semaine en franchissant un nouveau record à la hausse, s'échangeant à 1,4120 dollar vendredi sur le marché des changes de Londres, aux alentours de 7 h 30 (8 h 30 à Paris). La Réserve fédérale américaine ayant clairement indiqué qu'elle réduirait encore ses taux directeurs s'il y avait le moindre risque que la crise financière liée aux crédits immobiliers s'étende à l'économie réelle, le dollar pourrait s'affaiblir encore.
 
Le prix du pétrole remonte
 
Le baril de pétrole atteint un nouveau sommet historique à Londres à 79,94 dollars par baril. Le brent de la mer du Nord a touché vendredi soir un nouveau plus-haut sur le marché londonien, avant de terminer à 79,30dollars. En repli après 7 séances de hausse consécutives, le brut américain continue quant à lui de flirter avec les records, à plus de 81dollars par baril. ...
 
Ces premiers signes sont-ils de mauvais augure et permettent-ils d’envisager le scénario « noir » analysé par Patrick ARTUS ? Il est bien trop tôt pour tirer de telles conclusions. Mais si le pire n’est jamais sûr, ce qui est certain, en revanche, c’est qu’en période d’incertitude, le manque de confiance ne permet pas d’envisager l’avenir avec optimisme. Pour autant, l’enchaînement des mécanismes pervers précédents n’est pas inscrit dans le marbre d’un avenir joué d’avance. L’avenir étant devant nous, en prenant conscience des risques systémiques qui nous menacent, les autorités politiques, monétaires,… peuvent nous permettre d’écrire un autre futur.
 
 
A consulter:
 
 
 
Le Monde, Débat avec Jean Paul Fitoussi,  président de l'OFCE,  mardi 11 septembre 2007 à 15 h00.
 
 
 
 
 
Le débat en vidéo
 
 
 
Un article sur le site du quotidien Libération
 
 
 
Un autre article sur le site du quotidien Libération
 
 
 

commentaires

A
David, un article qui peut peut etre t'intéresser : http://www.telos-eu.com/fr/article/les_turbulences_des_marches_et_la_finance_globalalexandre
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