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David Mourey

  • : Démocratie Economie et Société
  • : David MOUREY Professeur d'Economie Auteurs de nombreux ouvrages d'économie chez De Boeck Fondateur des « Rencontres économiques » depuis 2005.« Rencontres économiques lycéennes » et « Rencontres économiques citoyennes »à Pontault-Combault depuis 2005 ! Fondateur des« Rencontres économiques » à Paris depuis 2008 !
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Le Livre de la Semaine

 

 

Texte Libre

 

8 novembre 2008 6 08 /11 /novembre /2008 17:52

 

Nous le savons sans ambigüité  désormais, une des causes profonde de la crise de confiance qui se traduit par une crise financière persistante, réside dans l'incapacité assez répandue parmi les acteurs et les observateurs de la finance de comprendre clairement la nature et les effets à long terme des nouveaux produits financiers qui ont été construit pour contourner certaines règles comptables  et réduire (en apparence et temporairement) le risque sous jacent à l'opération réalisée via le mécanisme de titrisation. Il en découle que la notation par des agences spécialisées de ces produits est également défaillante.

 

Autrement dit, les régulateurs de marché et autres « gendarmes »  des marchés financiers ne comprendraient pas vraiment et seulement avec retard la nature et les effets à long terme des nouveaux produits financiers.


Les trois principales agences de notation (rating) sont Standard and Poor's, Moody's et Fitch. La meilleure note est la note AAA, puis par ordre décroissant on peut observer les notes suivantes, AA, A+, A- et au pire, BBB.

 

Autrement dit, les régulateurs de marché et autres « gendarmes »  des marchés financiers comme l'AMF (Autorité des Marchés Financiers en France), la BRI ou_ banque des Règlements Internationaux (banque centrale des banques centrales), ... ,  ne comprendraient plus  vraiment et seulement avec retard la nature et les effets à long terme des nouveaux produits financiers.

 

 

Quels sont ces nouveaux produits financiers qui ont conduit

le processus de titrisation dans un cercle si vicieux ?

 

La titrisation est une technique financière consistant à transformer en titres financiers des créances (actifs peu liquides car sans marché)  détenues mais jugées risquées afin de se débarrasser d'une partie du risque en les transformant en actifs liquides, en les transférant à des investisseurs spécialisés. Au départ, et en principe, la titrisation n'est pas un problème en soi.  Par la répartition du risque qu'elle permet entre un nombre de détenteurs d'actif plus nombreux, elle permet à chaque investisseur e subir une exposition plus faible au risque.

 

Mais, au cours des années 2000, la titrisation s'est développée à partir de produits financiers de plus en plus complexes, illisibles et incompréhensibles. Autrement dit, les actifs exotiques qui ont servi de base à la titrisation, ont certes permis de regrouper dans des titres et portefeuilles de titres des créances de nature très hétérogènes mais, simultanément, l'opacité en matière d'information relative à l'exposition au risque s'est accrue. Personne ne savait qui était exposé et à quelle hauteur. D'où la perte de confiance, puis la défiance observée sur les marchés financiers de puis des mois maintenant, aout 2007.

 

Pratiquement, dans le cadre d'opérations de titrisation, une banque qui a par exemple accordé des crédits subprime à des ménages insolvables, va céder ce type de créance très risquée à une société (une structure intermédiaire ad hoc, un fonds, un véhicule) qui va procéder à un regroupement de créances (dont le degré d'exposition au risque est hétérogène) dans des titres qu'elle va elle-même céder à des investisseurs. Cette société intermédiaire se fiance donc par l'émission de titres négociables qui sont garantis (adossés) par les actifs peu liquides qui ont été cédés.

 

En résumé, la titrisation permet d'une part de transformer des actifs (titres) illiquides en actifs (titres) liquides et d'autre part, elle permet aux banques de sortir de leur bilan une grande partie des risques pris auprès de débiteurs peu solvables. In fine, elles peuvent accroitre de cette manière leur capacité de prêts mais, ce faisant, elles contribuent à augmenter l'émission d'ABS et donc le potentiel d'opacité en matière d'information sur la dissémination du risque sur les marchés.

 

La crise de confiance, la défiance, et leurs effets n'en seront que plus grands et destructeurs.

 

Le produit exotique typique et de base est l'ABS, Asset Back Securities. L'ABS est un titre émis par une société spécialisée dans ce type d'opération (ad hoc) afin qu'elle puisse acquérir les créances détenus par les banques sur leurs clients. Les ABS seront donc adossés à ces créances douteuses.

Il existe de nombreux produits exotiques dérivés de l'ABS. Ce qui n'est pas sans rapport avec l'opacité informationnelle.

Le RMBS ou residential mortage backed securities est un ABS adossé aux crédits résidentiels hypothécaires accordés aux ménages.

Le CMBS ou commercial mortage backed securities est un ABS adossé à des crédits commerciaux, c'est à dire des portefeuilles de titres à revenus fixes.

Les ABCP ou asset backed commercial papers sont des ABS adossé à des titres longs mais qui sont fiancés par l'émission de titres courts auprès des banques et entreprises.

Le CDO ou collateralised debt obligations est un produit financier adossé à des obligations émises par des entreprises et à des crédits accordés à des entreprises. Parmi les CDO, on trouve les CLO et CBO.

Il y a aussi le CCO adossé à des options sur les matières premières, les CFO adossés à des parts d'Hedge funds et les CFXO qui sont adossés à des flux d'acticité commerciale ou industrielle.

 

En fait, la crise des subprime trouve son origine dans le cœur des défauts de la titrisation, dans les RMBS.

Les RMBS étant ces ABS adossé aux crédits résidentiels hypothécaires accordés à des ménages insolvables en matière de revenus. La garanti  de ces crédits reposant sur le pari que l'actif immobilier acheté à crédit verrait son prix augmenté suffisamment pour couvrir le cout de l'emprunt initial et contracter un nouvel emprunt pour acheter un bien immobilier plus cher, ... C'est le mécanisme de la finance de Ponzi exposé dans un billet dont vous trouverez le lien en bas de page.

 

On peut aisément concevoir, à la lecture de cette présentation succincte des produits et mécanismes de la finance contemporaine que la compréhension soit limitée par la complexité des actifs échangés et l'opacité de l'information en matière de risque que ces produits portent.


Un Gap de compréhension ....

 

Il y aurait un véritable écart de compréhension, d'intelligence au sens de capacité à comprendre, entre les fonctionnaires chargés de veiller au bon fonctionnement des marchés et les « jeunes talents des salles de marché » ou autres innovateurs en matière financière.

 

On se trouverait, d'une certaine manière, dans une situation analogue à celle qu'on peut observer dans la compétition sportive de haut niveau. Les « tricheurs », avec les derniers produits dopant, auraient un temps d'avance sur les contrôleurs et sur les tests anti-dopage.

 

Sur les marchés financiers, les contrôleurs seraient largement dépassés par les évènements et ne disposeraient ni des connaissances, ni des moyens, pour faire face aux innovations financières et à leurs conséquences durables.

 

...  argument proposé par le Président de l'OFCE et la Directrice du CEPII

 

Cet argument est avancé par Jean-Paul Fitoussi, le président de l'OFCE dans un article intitulé « Le capitalisme sous tente à oxygène » publié dans le quotidien LE MONDE, le 30 octobre 2008  et par  Agnès Bénassy-Quéré, directrice du CEPII dans un article intitulé « Comprendre les plans de sauvetage » et publié le 18 octobre 2008.      

 

« Comprendre les plans de sauvetage »


Alors  qu'elle explique pourquoi l'Etat français à décidé de créer deux établissements pour mettre en œuvre son plan de restauration de la confiance dans le système bancaire, Agnès Bénassy-Quéré, dans son article « Comprendre les plans de sauvetage », annonce que des embauches seront probablement nécessaire :

 

«  Il faudra certainement recruter. Sans doute pas des fonctionnaires. Toutes ces questions de garantie de liquidités, etc. sont très techniques, et beaucoup d'experts estiment que la formation classique, Sciences Po puis l'ENA, y prépare mal.

Beaucoup de personnes s'interrogent d'ailleurs pour savoir si le retard pris dans la régulation des marchés n'est pas lié aux différences de compétences - et de salaires - entre les fonctionnaires et les jeunes talents des salles de marché. Les premiers ayant souvent un train de retard vis-à-vis des seconds. Mais regardons aussi ce qui se passe aux Etats-Unis, où les agents du Trésor sont très bien payés et, souvent, issus des grandes banques d'investissement. Ils connaissent bien les techniques bancaires... parfois même trop bien ! »


« Le capitalisme sous tente à oxygène »
.

Quelques jours plus tard, Jean-Paul Fitoussi dans « Le capitalisme sous tente à oxygène » publié dans Le Monde du 30 octobre 2008,  montre que l'exigence d'un niveau de rendement des placements excessivement élevé  associé à une minimisation du risque a conduit les acteurs à innover en  créant des véhicules financiers complexes et opaques pour presque tout le monde :


« Il fallait donc se débarrasser du risque (ou croire qu'on puisse le faire) en le diluant dans des véhicules financiers complexes associant des créances de risques très différents. Ce qui, de prime abord, pouvait apparaître comme une bonne idée - réduire le rationnement du crédit - peut vite se transformer en une machine infernale sous la pression de la recherche de rendements. Car pourquoi ne pas ajouter des composantes de risque croissant jusqu'à aboutir à un risque si grand que son occurrence est quasi certaine ? Et surtout, comment évaluer le risque moyen d'un titre ainsi constitué ? Tous y perdirent leur latin, y compris les institutions qui, dans le système, ont pour mission de mesurer le risque, les agences de notation. L'équation impossible fut résolue : le risque était déclaré minimal alors que le rendement était très élevé. C'est que l'on avait produit des objets estampillés "haute fidélité" que chacun s'empressait d'acheter et/ou de vendre, mais que personne ne comprenait.

Cette crise financière a pour singularité d'être la première crise de compréhension du système par les acteurs d'un secteur qui fut et demeure le plus gros consommateur d'intelligence de nos sociétés (la concentration de diplômés des meilleures écoles et universités de par le monde y est maximale). »

 

De l'Asymétrie d'information à la différence de Compréhension

 

Finalement, cette thèse de l'écart d'intelligence ne me semble pas aussi surprenante qu'elle peut l'être au premier abord. Elle est simplement très étroitement liée à l'hypothèse, bien connue et plus que probable, d'asymétrie d'information inhérente à la nature des opérations sur les marchés financiers, ou risques probabilisables et incertitude, non probabilisable, sont inévitables.

 

Complétude de l'information et capacité de compréhension

 

Dans une période de réflexion sur une profonde réforme du système financier international, il convient peut-être de ne pas négliger cet aspect du problème. Pour comprendre, il faut disposer d'une information complète. L'information est bien à la base de la compréhension et donc, in fine, de la prévention.

 

A suivre, ...  

 

 

Additif

Le plan de sauvetage français repose sur deux piliers

 

Une enveloppe de 40 milliards d'euros est destinée à d'éventuelles recapitalisations. Concrètement, il s'agit de la création d'une structure chargée du renforcement des fonds propres des banques (la Société de Prises de Participations de l'Etat), qui permettra le refinancement des titres hybrides constituant une partie des fonds propres réglementaires, et qui favorisera des injections de capital si nécessaire.

 

Une société de droit privé est également créée, la Société de refinancement, et présidée par Michel Camdessus, ex-directeur général du Fonds monétaire international (FMI). Cette structure bénéficiant de la garantie de l'Etat est créée pour faciliter le refinancement de la dette à moyen terme des banques parvenant à échéance jusqu'à fin 2009. L'Etat en sera actionnaire à hauteur de 34 %, ce qui lui donne une minorité de blocage. Les 66 % restants sont détenus par les banques. En échange d'actifs "de bonne qualité" (...) qui serviront de gage en cas de défaillance, elle refinancera les établissements de crédit en leur prêtant du cash. (...) Ce véhicule émettra des titres en échange des actifs que les banques lui apporteront en collatéral et reprêtera ensuite ces fonds aux banques. Cette approche vise à permettre aux banques de prêter de nouveau aux entreprises et aux particuliers. Elle n'a pas pour objectif direct de faire refonctionner le marché interbancaire.

  

A consulter :

 

Le capitalisme sous tente à oxygène

Jean-Paul Fitoussi, LE MONDE,  30 octobre 2008  

 

Comprendre les plans de sauvetage

Agnès Bénassy-Quéré, le 18 octobre 2008       

Paul KRUGMAN : Prix NOBEL d'Economie 2008

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