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David Mourey

  • : Démocratie Economie et Société
  • : David MOUREY Professeur d'Economie Auteurs de nombreux ouvrages d'économie chez De Boeck Fondateur des « Rencontres économiques » depuis 2005.« Rencontres économiques lycéennes » et « Rencontres économiques citoyennes »à Pontault-Combault depuis 2005 ! Fondateur des« Rencontres économiques » à Paris depuis 2008 !
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Le Livre de la Semaine

 

 

Texte Libre

 

15 août 2007 3 15 /08 /août /2007 09:59
 
Lire le début ici :
 
 
« Le monde se trouve aujourd’hui dans une impatience extraordinaire d’un diagnostic mieux fondé », John Maynard KEYNES,
« Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie », 1936
 
 
Un nombre de chômeur nul, ce n’est pas souhaitable
 
Cela étant, le plein emploi de toutes les personnes en age de travailler n’est pas non plus souhaitable car dans une société libre, chacun doit pouvoir, en toute connaissance de cause, choisir de travailler ou de ne pas travailler (actif ou inactif), choisir de changer d’emploi (actif occupé ou chômage transitoire, avec les délais que cela implique), ou non. De surcroît, ce plein emploi purement comptable ne nous dit rien du degré d’adéquation entre les postes occupés et les personnes qui les occupent, sur les types de contrats signés…
 
Enfin, dans de précédents billets, j’ai essayé de rappeler, que le marché du travail est un marché dynamique sur lequel les flux d’entrées et de sorties de l’emploi, du chômage et de l’inactivité, sont très nombreux. (Pour des précisions sur l’aspect dynamique du marché du travail, voir « Appariements sur le marché du travail ».) Sur le marché du travail, les réallocations de main d’œuvre sont également 3 à 6 fois plus nombreuses que les réallocations d’emploi. Sur ces phénomènes, vous pouvez relire les billets suivants : Conférence de Pierre CAHUC et Une nouvelle estimation des flux d’emploi et de main-d’œuvre en France
 
L’existence de cette dynamique des flux d’entrée-sortie du marché du travail (de la population active) et des flux internes sur le marché du travail (dans la population active), illustre la nécessité des réallocations d’emploi et des réallocations de main d’œuvre dans une économie capitaliste de marché ou les mouvements liés à l’innovation, aux évolutions de la demande sur les marchés de biens et de services, sont inévitables.
 
Il ne serait donc pas souhaitable que la main d’œuvre ne puisse se déplacer, sauf à supposer une parfaite et durable adéquation entre la demande de travail (des employeurs) et l’offre de travail ou demande d’emploi (des actifs). Cela est bien peu probable car cela conduirait à supposer une économie statique. Donc, compte tenu des difficultés d’appariement et des changements induits par le processus de destruction–création d’emploi, un chômage nul n’est pas souhaitable.
 
Dans l’estimation du plein emploi, il faut donc raison garder et de nombreuses précautions doivent être absolument prises afin de ne pas oublier ces nuances.
 
« Prudence est mère de sûreté »
Autrement dit, la prudence intellectuelle dans l’usage des statistiques
est mère de sûreté dans leur interprétation.
 
Le plein emploi, ce n’est donc pas, tout simplement au sens comptable, le plein emploi de toutes les personnes en age de travailler, ni même le plein emploi de tous les actifs. Il n’est ni possible, ni souhaitable qu’il en soit ainsi.
 
Plein emploi, chômage et taux de chômage
 
Nous l’avons répété à plusieurs reprises, les mesures ou plutôt les estimations, de la population active, de la population active occupée et de la population active inoccupée (donc au chômage), vont avoir un impact sur l’estimation de la distance qui nous sépare du plein emploi. Nous allons reprendre rapidement ce point.
 
En vertu de ce que j’ai rappelé dans les billets précédents sur l’emploi, nous savons que l’INSEE établit des statistiques sur ces populations à partir d’une enquête qui est effectuée désormais chaque trimestre (collecte des donnée en continu chaque semaine de chaque trimestre). L’INSEE propose une estimation du chômage en mesurant la PSERE, la population sans emploi et à la recherche d’un emploi. Un nombre de chômeurs et un taux de chômage sont produits par cet institut. Dans le même temps, on dispose des statistiques mensuelles du marché du travail de l’ANPE à partir d’une comptabilité des effectifs des demandeurs d'emploi inscrits à l'Agence, les DEFM.
 
Nous savons que nous obtenons en France deux estimations du chômage dont on peut déduire deux estimations de l’ampleurde notre éloignement/proximité du plein emploi. Dans ces conditions, et compte tenu des limites inhérentes aux deux indicateurs utilisés et aux critères de classement choisis, notre estimation du plein emploi reste assez précaire. En effet, si les mesures du chômage de l’INSEE et de l’ANPE différent (sachant qu’elles ne concernent pas exactement les mêmes personnes) alors cela veut dire que dans l’hypothèse ou les mesures du chômage seraient identiques, on ne pourrait en déduire que la situation du marché du travail au regard du plein emploi est la même dans les deux cas. Il ne suffit donc pas de mesurer le nombre de chômeurs pour estimer par déduction l’écart au plein emploi.
 
Ces approches du chômage, en valeur absolue, peuvent également être complétées par des approches en valeur relative, en pourcentage. Autrement dit, on ne se contente plus de dénombrer le nombre de personnes en age de travailler, le nombre d’actifs, le nombre d’actifs occupés et le nombre de chômeurs, on calcule aussi des ratios, des taux pour compléter et préciser l’analyse statistique du marché du travail. Le taux d’activité et le taux d’emploi ont déjà été présentés, venons-en au taux de chômage.
 
Le taux de chômage est le rapport entre le nombre de chômeurs et la population active.          
 
                                            Nombre de chômeurs      U
TC = ------------------------ = -------
 Nombre d’actifs           PA
 
 
On observe que la définition de la population des chômeurs détermine en partie la valeur du taux de chômage. En effet, plus le nombre de chômeurs est important, plus le taux de chômage est élevé pour une population active donnée. De même, la définition de la population active peut faire varier le taux de chômage dans le sens inverse…
 
Taux de chômage et plein emploi
 
Quelle information peut nous apporter le taux de chômage en ce qui concerne le plein emploi ? Intuitivement, le plein emploi correspondrait à un taux de chômage nul. Cela signifierait que tous les actifs sont des actifs occupés. Mais ce n’est pas le cas comme nous venons de le montrer. Le plein emploi, ce n’est pas, le plein emploi de tous les actifs à tous moments, ni le plein emploi de toutes les personnes en age de travailler. Ce n’est ni possible, ni souhaitable. Le plein emploi ne peut être défini par un taux de chômage nul.
 
Certes, on peut affirmer, sans trop de risques d’erreur, qu’un taux de chômage de 10 % ne correspond pas au plein emploi, mais il reste beaucoup plus difficile d’avancer avec certitude qu’avec un taux de chômage de 3 %, de 4%, de  5 %…, on se trouve au niveau du plein emploi.
 
Si le taux de chômage suffisait à définir le plein emploi, il serait très simple d’obtenir un nombre de chômeurs et un taux de chômage nuls. Il suffirait par exemple de supprimer les allocations chômage et tout système de ce type. Dans ce cadre, personne n’aurait intérêt à se déclarer comme chômeurs. Mais, une démocratie pourrait-elle accepter cela. C’est peu probable. Ce n’est pas une solution envisageable.
 
Une solution analogue consisterait à ne pas définir et donc à ne pas reconnaître la catégorie des chômeurs comme une catégorie sociale. Cela revient à fermer les yeux sur l’existence des chômeurs. (Jean PISANI-FERRY, « La bonne aventure », 2001).
 
On pourrait encore instaurer le travail forcé, rendre le travail obligatoire comme le rappelle Jean PISANI-FERRY dans le rapport évoqué plus haut et dans son ouvrage « La bonne aventure » publié en 2001. Mais, il précise bien que ce n’est pas possible dans une société ou les individus sont libres.
 
En fin de compte, il apparaît clairement qu’il « est plus facile de formuler ce que n’est pas le plein emploi, le chômage de masse, que ce qu’il est. » Et il est « plus difficile de fixer la traduction quantitative d’un tel objectif. » (Jean PISANI-FERRY, « La bonne aventure », 2001).
 
Dans ces conditions, quelle peut être la traduction quantitative de l’objectif de plein emploi à l’aune du taux de chômage?
 
Existe-t-il un taux de chômage optimal considéré comme un taux de chômage de plein emploi ? Si la réponse est oui, quelle est sa signification et comment peut-on le calculer ?
 
« Pacte de stabilité du plein emploi » 
et taux de chômage cible
 
Pourquoi n’existe t-il pas une cible de taux de chômage, un taux de chômage cible pour la politique économique, comme il existe (plus ou moins implicitement) un taux d’inflation cible pour la politique monétaire de quelques banques centrales dans le monde ?
 
Pourquoi, n’existe-t-il pas de critères de Maastricht relatifs au taux de chômage comme il en existe pour l’inflation, les finances publiques ? Pourquoi, n’existe-t-il pas de d’objectifs précis en matière de taux de chômage dans le cadre d’un « Pacte de stabilité du plein emploi » ?
 
Comme le suggère encore  Jean PISANI-FERRY dans le rapport évoqué plus haut et dans son ouvrage « La bonne aventure » publié en 2001, dans le cadre d’une « démarche, normative », il serait éventuellement possible de « reprendre la méthode de Maastricht et de prendre pour repère la moyenne des trois meilleures performances européennes. À cette aune, le plein emploi correspondait, au printemps 2000, à un taux de chômage de 2,8 %(30), ou de 3,5 %(31) si l’on exclut de la moyenne le Luxembourg, dont la petite taille ne fait pas une référence très pertinente. Cet ordre de grandeur correspond à ce qu’était le chômage en France avant le premier choc pétrolier (2,7 % à la fin de 1973). Cette comparaison quantitative ne peut cependant fournir qu’une indication approximative : d’abord parce qu’elle fait silence sur les conditions sociales sous-jacentes à ces performances, ensuite parce que rien ne dit que ce niveau de chômage corresponde dans les pays concernés à un équilibre durable – certains connaissent d’ailleurs des signes de surchauffe économique – enfin parce que le sous-emploi peut se loger ailleurs que dans le chômage. »
 
 
A ce point du raisonnement, si on admet ce qui précède alors,le plein emploi ne peut correspondre, ceteris paribus (toutes choses égales par ailleurs), qu’à un niveau optimal du chômage et du taux de chômage. Les économistes utilisent la formule « chômage de plein emploi » pour désigner ce taux de chômage optimal. Pour autant, l’affaire de la définition du plein emploi n’est pas encore conclue car les économistes utilisent également les notions de taux de chômage d’équilibre, de taux de chômage naturel et de taux de chômage structurel.
 
Je tenterai dans un prochain billet consacré aux approches théoriques du plein emploi d’être le plus clair possible parce que les termes économiques ont un sens précis dans un cadre théorique donné mais peuvent être détournés de leur sens originel dans le langage courant.
 
A lire les ouvrages suivants :
 
Jean Pisani-Ferry :
 
« Plein emploi », rapport au Premier Ministre, rapport du CAE N°30, décembre 2000
« La bonne aventure », 2001, page 91 et suivantes
 
Jean Pisani-Ferry
 
BRUEGEL
 
Lire aussi ici :
 
Travail, Emploi et Chômage 1/4 : Qu’est-ce que le travail ?
 
Travail, Emploi et Chômage 2/4 : Qu’est-ce que l’emploi ?
 
Travail, Emploi et Chômage 3/4 : Qu’est-ce que le chômage ? (2/2)
 
Travail, Emploi et Chômage 4/4 : Qu’est-ce que le chômage ? (1/2)
 
A consulter :
 
 
 
 
 
 
 
Lettre de L’Ofce, N°286 - 11/06/2007
 
 
clair & net@ofce
Une e-contribution des chercheurs de l'OFCE aux débats économiques et sociaux
 « Chômage : en attendant l’Insee », 13 février 2007
Matthieu Lemoine                                                                                        
Avec le report à l’automne prochain des résultats de l’enquête emploi, la seule source pertinente pour mesurer le chômage, une polémique a enflé sur la réalité de sa baisse...                                                                   Lire la suite>>
 
Jacques Freyssinet, « Note Lasaire »,
« Controverses sur les chiffres du chômage »février 2007
 
Eric Maurin
« Chômage : sueurs et contorsions au Conseil de la Statistique »
 
A consulter :
 
CERC Le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale
 
Le Cercle des économistes
 
CEREQ Centre d'études et de recherches sur les qualifications
 
CES Conseil économique et social
 
DARES Direction de l'animation et de la recherche des études et des statistiques
 
INSEE Institut National de la Statistique et des Études Économiques
 
IDE Institut de l'entreprise
 
 

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